“ Un beau visage est un traître qui se fait craindre et qu'on regarde avec plaisir.”

C’était encore plutôt douloureux, à chaque expression du visage et dès qu’il bougeait les lèvres, Oscar éprouvait quelques lancements cuisants. On lui avait conseillé un onguent pour soigner et calmer l’élancement de ses ecchymoses et coupures, mais il fallait un peu de temps, que cela se résorbe totalement. En tout cas, le gars ne l’avait pas raté : un bleu sur la pommette, le tour d’un œil légèrement violacé et la lèvre inférieure légèrement fendue sur le côté. La raclée avait été sévère, mais injuste pour une fois (Lol) et surtout subit en traite, il n’avait même pas eu le temps de se défendre face au colosse furax qui lui était tombé dessus.
Constatant les regards sur lui au fil de la journée, il était loin d’afficher un visage très agréable et glorieux. Tant pis, le blond ferait avec, bossant la journée ainsi à la librairie et ce soir devant se produire au pub comme tous les mardis et vendredis soir. Ce n’était pas un bobo ou deux qui l’empêcherait de faire sa vie, et encore moins de jouer et chanter, chose qu’il adorait plus que tout au monde. En plus ce soir après sa petite prestation, il était convenu qu’il vît Callum pour boire un coup. Des moments très précieux pour les deux amis et qu’il n’avait pas l’intention de louper en forme ou mal en point.

Le patron du Pub écarquilla les yeux en découvrant le jeune artiste avec un visage un peu moins avenant que d’habitude.
« Qu’est-ce qui t’es arrivé Oscar ?» S’enquit-il alors que le jeune homme débarquait avec ses instruments. Le blond soupira et tenta un sourire un peu grimaçant vu la sensibilité de sa lèvre blessée.
« un con qui m’est tombé dessus hier soir pour me refaire le portrait apparemment. »
« Tu lui avais fait quelques choses ? »
L’artiste secoua la tête.
« même pas, il s'est trompé de gars, il a cogné pensant fracasser le bon. » Expliqua-t-il d’un ton un peu amer.
« pas de chance ! » Il tapota d’un signe encourageant sa fine épaule, et le boss le laissa finir de se préparer.
Oui ça pour n’avoir pas eu de chance… Il en voulait à cet idiot, malgré ses excuses après l’avoir mis à terre et comprenant enfin dans son cerveau d’abruti qu’il s’était trompé de « blond ». Mais il s’en voulait aussi beaucoup d’avoir accepté de se rendre à une autre soirée de Gabriel, un sorcier sang pur de très bonnes conditions et qui était féru de soirée peu recommandable. Combien de fois il avait le droit à des plans foireux avec lui. Mais pour une fois qu’il était sur ses gardes, qu’il avait fait attention à ne pas déconner… Fallait qu’une armoire à glace se jette sur lui et l’envoie mordre la poussière méchamment. Ce matin, il avait été très dur pour le blondinet de se lever, totalement sonné et courbaturé par l’agression.
Il s’était juré de ne plus accepter avant très longtemps d’assister à une autre de ses foutues soirées de Gaby… Mais bon sa volonté n’était pas un modèle de stabilité quand cela concernait ce sang pur.

Oscar termina ses préparatifs, vérifiant « en coulisses » dans la réserve d’alcool, si sa guitare sèche était bien accordée. Le patron débarqua une demi-heure plus tard, interrompant ses mornes pensées pour qu’il vienne faire son petit tour de chant et de musique. Courageusement, il passa la porte et se mêla dans l'ambiance exaltée du pub. Il baigna dans les conversations, les rires, les boissons et s’installa dans un coin de la salle où trônait un confortable tabouret et de quoi poser ses divers instruments.
Conscient que son visage un peu tuméfié n’allait pas passer inaperçu, il préféra ne tenir aucunement compte des regards et des étonnements visibles. Il posa ses fesses sur le tabouret, agrippa presque tendrement de sa chère guitare et commença à pincer les cordes, sortant aussitôt cette vive mélodie, ponctué de la douce et vibrante respiration de l’instrument. Il se mit à chanter, laissant s’exprimer l’irlandais en lui, ses racines, ses terres verdoyantes, les vents capricieux, ses océans majestueux. Il chantait l’amour, la douleur, ses légendes, ses beautés, il était dans son élément et il oublia tout. Ravi de constater que les habitués prenaient tout autant plaisir à l’accompagner, chanter pour certains avec lui quand il entama quelques classiques anglais et Irlandais bien connus. Un vrai partage qui apaisa le cœur et les sentiments du musicien. Plus enclin à apprécier cette soirée, tout en jouant, il fouilla du regard tous ses visages attablés, buvant, chantant, se dandinant en rythme. Il cherchait un visage et une paire d’yeux bien familiers.  Il finit par les trouver et croisa un regard emplit d’effarement, certainement au vu de son aspect du jour.

Oscar se concentra à nouveau sur sa prestation, lâcha le regard de son ami, ferma un peu les yeux, terminant en beauté son tour de chant et de musique. Quand enfin il pinça la dernière note, que cette dernière mourut dans un souffle acoustique et vibrant, des applaudissements et exclamations s’élevèrent dans la salle. Oscar étira un sourire, il avait mal à la bouche, sa pommette lui lançait encore plus, mais il était content. Il se leva, salua avec plaisir, posa sa guitare sur son support, puis traversa la pièce, recevant au passage quelques tapes dans le dos et sur les épaules. Il remercia poliment mais sommairement ses manifestations de joie, continuant son chemin jusqu’à la table de son pote Callum.
Malgré son visage un peu pitoyable, le blondinet afficha un grand smile à s’installant avec lui, conscient que bientôt il aurait le droit à un vrai interrogatoire sur la raison et le pourquoi de son état.
« Hey ! Saluuuut ! » lâcha-t-il d’un ton enjoué, il était toujours content de passer des soirées et du temps avec le brun. Ils se connaissaient depuis leurs premières années sur Poudlard. Ils avaient été dans la même maison là-bas, ils étaient comme deux frères, tellement lié.
« Ho ? Tu as commandé une Guinness pour moi ? » S’exclama-t-il ravi en voyant la grande chope. Même s’il adorait les boissons alcoolisées sorcières, Oscar vouait une certaine affection envers celles venant du pays qui l’avait vu naître. Il agrippa son verre, tenta de boire une gorgée et là… Outch, il grimaça un peu, l’alcool touchant la coupure à sa lèvre, le fit frissonner de douleur. Il s’empressa à avaler cette gorgée et de reprendre vite la parole avant que Callum l’interroge à fond. « Alors ? Comment- tu vas ? Tu as aimé les chansons ? »

© Cacadum

“ Un beau visage est un traître qui se fait craindre et qu'on regarde avec plaisir.”

En fait il savait déjà qu’il allait avoir droit au savon, Oscar l’avait vu dans son regard, inscrit sur son visage, ses traits tellement plus sérieux et sa position. Il n’était pas très content, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Le blond tenta d’apaiser un peu la réaction de son ami, en essayant d’être souriant, amusant et dirigeant le premier échange sur la musique. Mais Callum n’était pas le genre à se laisser détourner de son idée principale. En réalité le plus mature des deux c’était bien lui. Sa fonction de professeur, semblait avoir façonné l’homme. Il était loin maintenant le jeune garçon apeuré, inquiet qu’Oscar avait pris sous son aile et son amitié. Il avait pris de la force, des convictions et beaucoup de volonté. Oscar l’admirait beaucoup pour ça, il avait réussi son ambition, il était maintenant professeur, il enseignait, alors que lui cumulait les conneries et avait cumulé les petits jobs avant d’être embauché à la grande librairie.
Après la vaine tentative d’adoucir quelque peu les reproches à venir, le brun laissa exploser ses remontrances. Oscar se tassa un peu sur sa chaise, esquissa une grimace penaude et se réfugia un peu derrière sa chope pour affronter sa « colère ».

« Comment je vais ? Je me contrefous des chansons, Oscar. C’est quoi ça ? »

« ce n'est pas ma faute je te jure… » Tenta-t-il d’expliquer entre le long flot de reproche de son meilleur ami.
« Mais qu’est-ce que t’as encore fait ? C’est pas possible, j’vais finir par croire que t’aime te faire casser la gueule … Dans quoi tu t’es fourré ? Si t’arrête pas ça, arrivera le jour où tu tomberas sur un malade mental qui te tuera ! Je rigole pas, Oscar ! »

« Je sais mais…je… »
Le ton se fit plus dur, le brun affichait une expression plus froide et un regard aussi gelé qu’un iceberg. Oscar se mordit la lèvre du côté indemne et attendit maintenant qu’il termine, sans tenter désormais de l’interrompre. Autant que tout cela sorte, soit dit et après il tenterait d’expliquer à Callum que tout ceci n’avait été qu’une terrible et douloureuse méprise.
« C’est encore un plan foireux de Gabriel ? Ce type est un énorme trou du cul, combien de fois je devrais te le répéter ? Il te traînera que dans la merde et c’est moi qui te ramasserai à la petite cuillère. »

Un bloc de glace tomba dans l’estomac du blond, une vague de culpabilité s’abattit sur lui. Oui il avait été encore à une de ses soirées. Il avait encore cédé à ses arguments charmants. Pourtant il avait fait attention, très attention à ne pas laisser le sang pur se jouer de lui, il avait qu’à moitié céder en acceptant cette soirée mais il se doutait que même en sachant qu’il avait fait très attention, cela ne passerait quand même pas. Callum n’approuvait pas cette « fascination » que déclenchait Gabriel sur Oscar. Une fascination et attirance néfaste, pourtant le blond luttaient pour ne plus se faire avoir. Il avait même pris là la résolution de ne plus accepter de plan « soirée » du genre. Il en avait marre de laisser des plumes, mais arriverait-il à résister pour de bon ? Là rien n’était sûr. En tout cas Oscar encaissa les reproches mais ce fut surtout la dernière phrase de son ami qui l’accabla totalement.
« Pourquoi est-ce que je suis toujours le dernier que tu écoutes … »

« ho non ! Trésor ! Ne pense pas ça s’il te plaît ! » Il posa sa main sur le bras de Callum.
« Écoute, je te jure que je n'ai rien fait pour qu’on me casse la gueule. Je n'ai pas déconné, je te jure ! » Continua-t-il plongeant son regard bleu sincère et un peu triste dans celui de son « frère ». « Le mec s'est trompé, il a cru que j’étais celui qui avait couché avec sa copine… Moi ? Avec une femme ? Tu vois ! Aucun risque que cela soit moi... » Il esquissa un petit sourire en coin serrant le poignet du brun. « mais du coup ce bouffon m’a pas laissé le temps de parler. C’est une fois à terre et après avoir essuyé ses coups que j’ai pu lui faire comprendre à cet imbécile qu’il se gourait de type. » A nouveau son ton était chargé d’amertume, il demeurait furax contre le colosse.
Il relâcha doucement le bras de Callum, s’installant plus profondément contre le dossier de sa chaise et tenta de boire une gorgée du côté indemne de sa bouche.

« C’est fini, j’éviterais Gaby et ses soirées à la con… j’en ai marre de son jeu… je te jure que je suis blasé… » Il soupira, secoua doucement sa tête blonde et leva un regard vers Callum.
« S’il te plaît Trésor, je ne veux pas que tu penses que je tiens pas compte de tes conseils, ce n'est pas vrai… Je n’aime pas quand tu es déçu ou fâché à cause de moi… » Il se pencha un peu et à nouveau toucha son bras, serrant doucement son poignet. « au contraire, ton avis est supra important pour moi. » Il fit un doux sourire, malgré la légère souffrance de ses blessures.

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“ Un beau visage est un traître qui se fait craindre et qu'on regarde avec plaisir.”

Non mais c’est vrai pour une fois Oscar n’avaient vraiment pas cherché les ennuis, apparemment même quand il ne faisait pas le con, les ennuis venaient également à lui. Depuis qu’il avait débarqué ici dans cette cité, il semblait être doté de la pire mal chance au monde. Quand il ne se prenait pas de râteau, se faisait pas mener en bateau, maintenant on lui tombait dessus gratuitement pour lui casser la gueule. Callum n’était pas spécialement content de le voir ainsi « abimé », il est vrai qu’il avait tendance régulièrement de provoquer ce genre de petits « désagréments » alors un peu logique qu’il lui passe un méchant savon en le voyant encore une fois avec le minois dans un sale état. Mais le motif changeait, il avait été sage et il tenait à le préciser à son meilleur ami.
Au fur et à mesure qu’il exposa les raisons de son visage tuméfié, la colère du brun s’évapora comme la neige sous les puissants rayons du soleil. Il s’adoucissait, comprenait que cette fois ce n’était vraiment pas sa faute au blond et Oscar en fut soulagé. Il préférait le voir ainsi, le regard plus doux, souriant, apaisé, que cette colère et cette froideur de tout à l’heure. Sa main agrippa la sienne et la serra avec douceur, Oscar s’en sentait tellement plus réconforté, automatiquement un sourire s’illumina sur son visage. Ce simple geste exprimait tout, qu’il comprenait et qu’il n’était pas fâché contre lui.  

« Hey ... Tu m'déçois pas, et j'suis pas fâché, parce que contrairement aux apparences, j'suis pas ta mère. »

Cette remarque fit rire le blond.
« Oui tu lui ressembles pas du tout ! » Il serra à son tour cette main. Pour lui il était naturel d’être proche de Callum. Agripper sa main, la tenir, manifester sa tendresse, ce lien si fort d’amitié, même en public ne lui posait pas de problème. Il était tellement rassuré de ne pas perdre cette amitié si importante.
Callum poursuivit son petit monologue et la suite fit un peu passer le rire d’Oscar, car il prit en plein fouet des mots très profond, très affectueux et chargé de crainte d’être un jour séparé l’un de l’autre.

« C'est juste que ... Je tiens à toi, et tu le sais. Et je sais aussi que t'as déjà encaissé pas mal de coups, verbaux ou non d'ailleurs, et j'ai juste peur. Peur qu'un jour on te fasse trop de mal, que ça te brise et que j'sois plus capable de t'aider. Et je vais être égoïste, mais j'sais pas comment moi j'tiendrais dans ma vie si t'en fais plus partie ou si tu perds le sourire. »
Autant dire que cela toucha beaucoup le blond, qui pencha la tête de côté et émit un petit « Hoo, pense pas ça. » Il n’avait encore jamais exprimé autant de crainte et d’attachement. Oui un discours très intense qui apporta du baume au cœur au jeune blond. Il était tellement content d’avoir un ami comme lui. Il n’avait que lui réellement autant proche, loin de ses racines de sa famille, ses parents, Callum était son pilier, son oxygène, il ne se confiait qu’a lui totalement. Alors oui cette déclaration si profonde ne pouvait que le marquer agréablement, renforçant son affection pour lui.
« Je te promets que tu me perdras pas, tu sais bien que c’est impossible ! Je m’accrocherais à toi coûte que coûte et même que tu en auras peut-être ultra marre que je te colle autant à force. » Répliqua-t-il avec un petit rire amusé, une petite touche d’humour comme d’hab, mais avec dans ses grands yeux bleus beaucoup de plaisir et d’affection pour lui.
« Ca fait 13 ans qu’on partage tout, qu’on a fait les 400 coups ensemble, et ce n'est pas prêt de changer crois- moi. » Pouffa-t-il en le laissant retirer sa main et l’accompagnant également avec une bonne gorgée de bière.

« Je te promets Oscar, sans rire, que la prochaine fois que j'te retrouve comme ça, je t'enchaîne à l'un de mes radiateurs. »
Oscar s’éclaffa et manqua de peu d’avaler de travers sa gorgée de bière. Il essuya du bout des doigts le bord de sa lèvre, plantant un regard faussement scandalisé par l’image.
« …Tu’oserais…quand même…pas !... » et se mit à rire avec le brun, voilà l’ambiance était redevenu tellement complice. Oscar se cala bien dans son dossier, prenant le temps de boire à petites gorgées prudentes la boisson, toujours évitant le coin douloureux de sa bouche.

« Tu veux que je t'aide pour tout ça ? »
Callum lui montra son visage, le blond haussa doucement ses sourcils terminant la fin de sa pinte de bière pendant que son meilleur ami termina le fond de sa pensée.
« S'il t'a mis à terre, tu dois avec des plaies ou des bleus dans le dos aussi, si tu veux que je m'en occupe. »
Oscar posa doucement son verre enfin vide et retira la mousse d’un coup de langue sur sa lèvre.
« heu… tu-es sûr ? Je veux pas non plus t’empêcher de finir tes corrections de copies. » Il désigna d’un mouvement du menton  les parchemins à côté du jeune professeur.
Le blond avait effectivement quelques méchants hématomes dans le dos et sur l’épaule, il avait bien galéré pour tenter de se mettre une bonne dose de baume ce matin. De l’aide ne serait pas du luxe, mais pas au détriment du travail du jeune enseignant, il était déjà tard, il s’en voudrait de donner une surcharge de travail à ce dernier.
Et pour faire foirer un peu plus sa crédibilité, son ventre gronda pile à ce moment, manifestant ouvertement qu’il avait très faim. Oscar enchainait son travail à la librairie et ensuite le pub sans avoir le temps d’avaler même un semblant de dîner. Autant dire que Callum n’allait pas laisser passer cette oubli sans y remédier.
Du coup Oscar pinça les lèvres, sonda ses grands yeux expressifs face à lui et ajouta d’un petit ton léger et taquin :
« Bon bhaaaa…alors chez toi ? Ou chez moi ? » Il laissa filer un petit rire communicatif montrant clairement qu’il rendait les armes avant d’essuyer une nouvelle vague d’adorables reproches sur le fait qu’il ne prenait pas assez soin de lui.

© Cacadum