C’était la première fois qu’il mettait les pieds dans le ministère de Wincap, du moins au sein de celui-ci. Il avait trouvé l’architecture du bâtiment magnifique, dès son arrivée en ville, mais il n’avait jamais eu l’occasion de le visiter. Il faut dire que la plupart des habitants de la ville n’y venaient pas pour le plaisir, sauf s’ils désiraient connaitre l’histoire de la ville, même si le musée magique servait à cet effet. De ce fait, il n’avait jamais eu de réelle occasion de venir au cœur même de la ville, si ce n’est pour remplir quelques formulaires lors de son installation. Des broutilles qu’il avait pu remplir au rez-de-chaussée sans devoir monter dans les différents étages. S’il se trouvait actuellement là, c’est parce qu’il avait besoin de rencontrer son cousin. Yasushi travaillait depuis quelque mois pour le ministère de Wincap. Ce désir n’avait rien de surprenant pour lui, connaissant parfaitement son cousin, qui n’avait qu’un seul objectif : trouver les coupables de l’affaire de ses parents. Yano connaissait le dossier, l’avait étudié avec son cousin lorsqu’ils étaient tous les deux stagiaires au gouvernement de Corée. Il avait durant des années eu le désir de l’aider, mais Yasushi avait fini par lui faire comprendre qu’il n’avait pas à sacrifier son rêve pour lui, qu’il ne le désirait pas. Il avait mis énormément de temps à le convaincre, Yano n’étant nullement le genre de personne à se désengager facilement de ses engagements. Il lui avait tenu tête avant de capituler lorsque son cousin lui avait fait comprendre qu’il serait vraiment affligé s’il le faisait que pour lui.

Ce fait l’avait contraint à lâcher prise, ne désirant nullement perturber celui-ci, plus qu’il ne l’était déjà depuis des années. A cette époque, il n’était plus que l’ombre de lui-même, si seul, si fermé et si triste. Cela lui avait toujours brisé le cœur. Voir ce jeune homme si doux et aimant avoir été si violemment malmené par la vie, par les personnes les plus proches de lui, était résolument perturbant. Même à ce jour, il maintenait une colère muette contre le plus proche des amis de son cousin : Yong Woo. Celui-ci l’avait abandonné à cette époque où il avait été inculpé dans l’histoire qui avait sombré la famille dans une sombre période, tout cela à cause de la folie d’un de ses proches : leur grand-mère commune. Cela avait plongé son cousin dans une période très sombre où il avait tout perdu, devenant la victime des brimades et moqueries de ses camarades d’école. Pire que ça : il avait sombré dans une dépression totale, devenant cet être instable qu’il avait dû ramasser quelques mois plus tard, lorsqu’il avait compris que son cousin affrontait cette épreuve : seul. Même à ce jour, même s’il savait que Yasushi reprenait confiance en la vie auprès de sa petite amie qui lui permettait de vivre, Yano conservait une certaine rancune envers Yong Woo. Il se sentait trahi par son ami d’enfance, en qui il avait placé toute sa confiance pour être un soutien pour son cousin.

Depuis ce jour, il n’avait jamais tenté la confrontation. Il se connaissait trop bien. Jamais il ne pourrait rester calme s’il le rencontrait. Il avait besoin d’exprimer sa colère, son dégout qu’il avait développé pour cet homme qu’il avait considéré comme son frère. Pourtant, jamais il n’était revenu à Yasushi pour s’excuser, ni même tenter de le rapprocher. Yasushi reprenait gout à la vie, mais il semblait bien incapable d’avancer sur un autre plan : ses amitiés. Il ne lui connaissait pas d’autres amis, renfermé sur lui-même tous ses espoirs se retrouvaient que sur les épaules d’une seule personne, une femme : Yuuki. Il avançait, mais ne redevenait pas celui qu’il avait été par le passé : souriant, riant tendrement et plein d’espoir. Il hésitait tout le temps et avait tant perdu confiance en lui. S’il se trouvait là, c’était avant tout pour s’assurer qu’il allait bien. Il n’avait eu que de très rares occasions de le voir dernièrement et il voulait s’assurer qu’il allait bien, avant son départ pour les forêts de Chine. C’est donc tout naturellement qu’il s’était dirigé vers l’accueil du bâtiment, demandant à l’hôtesse d’accueil, le niveau auquel se situait le département de la justice magique, notamment les bureaux des aurors avant de se rendre à cet étage. Une fois arrivé à celui-ci, il était venu demander son chemin à une personne du service pour qu’elle lui indique où se trouvait le bureau de son cousin. Une information qu’il put acquérir sans trop de difficulté alors qu’il la remerciait en prenant la direction indiquée.

Ce ne fut donc qu’une question de minutes avant qu’il ne parvienne à l’endroit indiqué. Il vint frapper à la porte supposée être celle du bureau de son cousin et de son coéquipier. Un coéquipier dont il ignorait l’identité, n’ayant jamais eu l’occasion de le rencontrer, ni entendu parler, mais ayant fait parti de ce type de service, il savait qu’on les mettait toujours en binôme. Il aurait dû être celui de Yasushi. Seulement son regard si figea lorsqu’il vit apparaitre un visage qu’il connaissait. Sa présence en ce lieu en ce bureau vint le troubler. Il l’observa un instant, en silence, alors que son regard se ferma, devenant plus froid.

« Salut, Yong Woo. Désolé pour le dérangement, je cherchais le bureau de Yasushi. Tu pourrais me l’indiquer, s’il te plait ? »

Que faisait-il à Wincap ? C’était résolument une question qu’il se posait. Il savait que son ancien ami se trouvait auror désormais, une tradition familiale comme au sein de leur famille respective, mais pourquoi ici ? D’autant plus qu’il le savait affecter depuis deux ans, au sein du ministère coréen. Seulement, il se garda bien de lui poser de telles questions, son regard le détaillant avec attention et froideur, sentant une boule de colère se former au creux de ses entrailles. Il avait tant de griefs à lui dire, tant de paroles qu’il contenait depuis des années. C’est pour cela qu’il vint fermer un poing pour se calmer, attendant une réponse de sa part.

TENUE : 01.

Yano ne s’était nullement attendu à faire face à Yong Woo. Il se trouvait même particulièrement surpris et décontenancé par cette découverte. C’était si étrange de le trouver là. Cela l’intriguait même. Pourquoi était-il à Wincap ? Qu’est-ce qui l’avait amené à venir travailler ici ? Tant de questions se bousculaient dans son esprit alors qu’il le dévisageait. Il l’observait donc en silence, troublé. Il préféra mettre de côté ses interrogations pour ne pas perdre l’objectif de sa présence en ses lieux : Yasushi. Il l’avait donc salué froidement, sa rancœur venant changer l’expression de son visage. Il ne pouvait faire abstraction de sa rancune, de l’incompréhension qu’il avait eue envers le comportement si distant et indigne de son ami d’enfance. Yano lui en voulait profondément d’avoir laissé Yasushi se consumer par les ténèbres. Il se trouvait tellement frustré, si en colère contre lui. Il l’avait abandonné, pire, il avait trahi celui qu’il disait être son frère. Comment avait-il pu rester de marbre face aux brimades qu’avait subies Yasushi durant tant de mois ? Comment avait-il pu tourner le dos à son meilleur ami, le laissant seul dans une solitude profonde avec pour seule compagne : les ténèbres ?

Yano ne parvenait pas à lui pardonner. Qu’importe les raisons, il lui semblait improbable de les comprendre, ni même de les accepter. Il ne pouvait le faire, son esprit et son cœur encore bien trop marqué par l’état de détresse dans lequel il avait retrouvé son cousin après ce jugement. Ce souvenir le rendait fébrile et à la fois si en colère. Il pensait que Yong Woo était à ses côtés, qu’il le soutenait comme il l’avait toujours fait. Qu’avait-il raté ? Qu’est-ce qu’il avait pu se passer pour que Yasushi s’effondre en larmes dès lors qu’il abordait le sujet de leur ami d’enfance, de son meilleur ami. Cela faisait cinq ans que ses questions n’avaient de cesse de hanter ses pensées. Des interrogations dont il n’avait aucune réponse, ni aucune piste de réflexion. Elles représentaient un point d’interrogation qu’il ne pouvait résoudre. Il s’efforçait donc de garder son calme, chassait ses questions qui l’assaillaient continuellement. Il se trouvait tant déçu, sentant cette boule de colère se former au creux de ses entrailles. Yong Woo vint le saluer à son tour dans une voix grave, mais neutre. Il lui indiqua du bout des doigts que le bureau de Yasushi se trouvait face au sien. Une information qui le prit de court, il était résolument surpris. Il fronça les sourcils, prenant conscience d’un fait non anodin : ils étaient coéquipiers.

Or, il n’était pas au courant. Yasushi ne lui en avait nullement parlé. Depuis quand l’étaient-ils ? Comment le vivait-il ? Son inquiétude vint se marquer sur son visage alors qu’il venait fermer la porte derrière lui, pour se retrouver seul avec son ancien ami. Il resta silencieux un instant, fixant à tour de rôle le bureau de son cousin et celui de son homologue. Il s’approcha du bureau de son cousin pour prendre place sur une chaise. « Est-ce que ça fait longtemps que vous êtes coéquipiers ? » Finit-il par demander dans un ton plus froid qu’il ne l’aurait voulu. Seulement difficile de rester calme alors qu’il ne comprenait pas. Yasushi ne lui avait jamais parlé de cela. Comment avait-il pu lui cacher un fait si important ? Il inspira profondément alors qu’il ajoutait de façon plus brusque « Est-ce que tout va bien entre vous deux ? Après tout, ce n’est pas comme si ça faisait cinq ans que vous ne vous parliez plus… Je me trompe ? » Le ton de sa voix s’était fait acerbe, aussi tranchant que la lame d’un rasoir. Le regard braqué sur lui, il le fixait de son regard sombre, froid et peu avenant. Finalement, il avait certaines questions à lui demander et il comptait bien avoir des réponses.

Yano n’aimait pas ce qui lui traversait l’esprit. Le regard fixé sur celui qu’il avait considéré durant des années comme un ami proche, il n’avait de cesse de se poser mille questions. Depuis combien de temps étaient-ils coéquipiers ? Cette question n’avait de cesse de tourner en boucle dans son esprit. Il se demandait si cela faisait longtemps que Yasushi lui cachait la situation. Cela ne lui plaisait guère, connaissant son cousin comme sa poche. Comment avait-il vécu cette situation ? Pourquoi était-il resté muet à ce sujet. C’était tant d’interrogations qui l’irritaient passablement. Il avait été particulièrement déçu par l’abandon du coréen et il savait ô combien son cousin en avait cruellement souffert. Yong Woo l’avait abandonné lorsqu’il avait le plus besoin de son meilleur ami. Un comportement qui le révoltait le dégoutait même tant il n’avait pu entrevoir aucune raison légitime qui puisse excuser cela. Il avait pourtant cherché à en avoir par le passé lorsque son père avait ramené Yasushi au bord du suicide. Cela l’avait profondément blessé de le voir si faible, si sensible au monde qui l’entourait, enfermé dans une sphère infernale dans lequel il s’était replié sur lui-même. Il s’était senti tellement impuissant face au mutisme de son cousin avant que son père ne le prenne à part pour lui expliquer la situation. Une situation bien pire que celle qu’il avait imaginée en vue des non-réponses à son hibou. À l’époque, il était tellement persuadé que Yong Woo se trouvait là pour le soutenir dans cette terrible épreuve.

Au final, il avait compris que son cousin s’était retrouvé incroyablement seul, bafoué et humilié par ses camarades, devenant un moins que rien, un monstre qui ne méritait pas qu’on le considère comme un homme. Yano se mordit la lèvre à se souvenir, sa respiration et sa colère s’immisçant dans ses veines. Il avait tant de choses à reprocher au coréen. Cela le rendait juste incroyablement inquiet vis-à-vis de son cousin. Celui-ci avait pris l’habitude de garder tout pour lui. Il n’avait de cesse de se demander comment son cousin avait géré cette confrontation, comment parvenait-il à travailler avec celui qui l’avait si cruellement abandonné sans un mot. Yano était le mieux comprendre pour savoir combien Yasushi s’était senti impuissant face à son éloignement. Il se rappelait de ses larmes et de sa voix éteinte qui lui murmurait qu’il ne savait pas. Il ne se rappelait plus des raisons, mais il devait en avoir une. Yano ne le pensait pas. Du moins, il était intimé que Yasushi n’avait rien fait pour le mériter. C’était juste totalement impossible. Il s’accablait tellement d’être un moins que rien, faible et insignifiant. Voir son cousin ainsi avait été un crève-cœur et il était heureux de le voir reprendre des couleurs et de la joie de vivre avec Yuuki. Il refusait que l’arrivée de Yong Woo dans sa vie ne bouleverse encore le fragile équilibre sur lequel il se reconstruisait.

C’est pour cela que son regard et sa voix s’étaient faits tranchants et froids. Il attendait des réponses de sa part qu’il l’éclaire sur la situation, car il n’aimait résolument pas le fait de le savoir constamment avec son cousin. Sa réponse le décontenança. Un an ? Cela faisait vraiment un an qu’ils travaillaient ensemble ? Sa surprise dut se figer sur son visage avant qu’il ne fronce les sourcils quelque peu irrités. Yong Woo s’exprimait très calmement avec une désinvolture qu’il trouvait arrogante lorsqu’on songeait à tout ce qui avait pu se passer entre les deux anciens amis. Cela se passait bien selon ses dires, ils avaient réussi à se reparler même s’ils avaient eu une longue période où ils ne s’étaient pas parlé. Une réponse évasive qui ne le contentait pas. Absolument pas. Comment Yasushi avait pu lui cacher tout cela ? Comment avait-il pu lui pardonner si facilement après tout ce qu’il avait enduré seul durant toutes ses années ? Le regard de Yano se troubla. Il connaissait déjà la réponse. Yasushi était un homme au cœur pur et à la douceur extrême. Malgré toutes les blessures qu’il pouvait recevoir, il était en mesure de pardonner à son plus vil agresseur. Incapable de blesser les gens qu’il aimait, il avait dû pardonner son ancien meilleur ami pour avoir une bonne entente au sein de leur binôme et avancer doucement vers un meilleur avenir. Cette pensée ne rendait pas moins vile sa rancune envers son ancien ami. Avait-il conscience de la chance qu’il avait qu’il lui pardonne, ainsi ? De si bon cœur ? Cela faisait battre son cœur promptement dans ses veines.

Il inspira fortement pour tenter de se calmer. Ce n’était pas aussi simple, d’autant plus qu’il se trouvait particulièrement irrité par cette désinvolture qui lui semblait un poil arrogante. Il ne comptait pas pour autant l’épargner dans sa réponse. « Je vois. Il ne m’en avait jamais parlé. Sans doute voulait-il gérer cette histoire tout seul. » Un constat, rien de plus. « Tu as beaucoup de chance qu’il t’ait pardonné, j’espère que tu en as conscience. » Sa voix s’était faite plus froide qu’auparavant. « Car tu ne le mérites absolument pas ! Mon avis n’a pas changé sur la question et quand je vois avec quelle désinvolture tu parles de tout cela… ça me révolte ! » Son regard était brillant d’une colère muette qu’il s’efforçait de contenir. Il inspira fortement. « Tu ne mérites pas son amitié, ni même son pardon, Yong Woo ! Je n’arrive même pas à comprendre comment tu peux te sentir si fier de me dire que ça va entre vous deux ! Quand je pense que tu l’as abandonné comme un moins que rien, comme un paria. Comment peux-tu te regarder dans le miroir, Yong Woo ? » Le ton de sa voix s’était montré particulièrement acerbe et virulent. Les bras croisés, il inspirait fortement pour calmer son émotion, sa colère. «  À te voir, on dirait que tu ne ressens aucun remords de l’avoir ainsi laissé en pâture à ces monstres. Ça me dégoute ! Tu ne vaux pas mieux que ceux qui l’ont mis dans cet état. En fait tu vaux tout autant qu’eux, car tu as abandonné Yasushi au moment où il avait le plus besoin de son frère, de son meilleur ami, son soutien de toujours, et ce sans aucune raison. Méritait-il si peu d’égard de ta part, bordel Yong Woo !? » Le ton de sa voix se fit particulièrement tranchant et glacial. Son regard s’était assombri et ses prunelles n’étaient plus que deux pupilles noires dilatées par cette colère qui l’étreignait. Qu’importe qu’il soit au travail. Il allait avoir des réponses et il allait le forcer à le faire.

Il le provoquait. Yano avait parfaitement conscience de ce fait et n’hésitait pas à lâcher ces mots acerbes qui brûlaient ses lèvres. Il avait tellement de rancœur à son encontre. Cela faisait tant d’années que son ancien ami d’enfance gardait le silence. Yano avait tant d’interrogations qui restaient sans réponses. Cela n’avait de cesse d’accroitre son irritabilité à ce sujet. Une colère muette qui avait besoin de s’exprimer, d’autant plus qu’il savait les jeunes hommes de nouveau liés l’un à l’autre, peut être même de nouveau ami. Il en parlait avec tant de froideur et de désinvolture que sa rancœur trop longtemps accumulée s’était exprimé. Il s’était montré particulièrement virulent et il ne comptait pas s’en excuser. Il méritait ces paroles. Croyait-il vraiment que sa trahison pouvait-elle restée impunie ? Qu’une fois des excuses obtenues, il avait le droit de reprendre sa place auprès de son cousin ? Croyait-il vraiment qu’il pouvait laisser faire cela, sans rien dire et prendre le risque que la même chose se reproduise ? Il n’avait aucune idée de ce qu’il s’était passé entre les deux anciens meilleurs amis. Malgré ses investigations, Yasushi avait été bien trop mal en point pour pouvoir répondre à ses questions. Il ne savait pas ce qu’il s’était passé. Il s’était juste éloigné de lui et au final des brèches d’une dispute violente qui avait traumatisé son esprit, le mettant dans un état de mal-être complet. Il n’avait jamais cherché à le pousser plus loin, bien trop touché et attristé de le voir dans un tel état de détresse.

Yong Woo quant à lui s’était toujours enfermé dans un silence total. Jamais il n’avait cherché à justifier son comportement, les raisons pour lesquelles il s’était éloigné ainsi de Yasushi. Sa véhémence dans ces instants-là avait été aussi profonde que celle avec laquelle il venait de s’exprimer. Il avait besoin de le faire réagir, de planter les couteaux là où ça faisait mal et le résultat fut convenable. Yong Woo s’était levé brusquement de sa chaise, celle-ci venant grincer sur le parquer du bureau. Le regard brillant, il s’était appuyé, s’agrippant au bois de la table avec colère. Le regard de Yano ne se fit que d’autant plus perçant. Il était de nouveau en train de toucher la corde sensible et il comptait bien avoir les réponses à ses interrogations. Il avait du temps devant lui et Yano obtenait généralement toujours ce qu’il voulait, quand il en avait envie. Il pouvait entendre sa respiration forte siffler dans ses oreilles. Il savait ses remarques blessantes et même insultantes. Il les pensait et en était le premier frustré. Il avait tellement du mal à comprendre ce qu’il s’était passé, mais c’était senti si cruellement trahi par les disputes violentes qu’il avait eues par le passé avec lui. Yano restait sagement assis sur sa chaise et le fixait de tout son long, de son regard perçant et froid. Il attendait sa réaction. Une réaction qui mettait du temps à venir, mais qui arrivait petit à petit. Il percevait bien qu’il tâchait de reprendre son calme, mais son regard se trouvait frustré, blessé lorsqu’il vint enfin rompre le silence.

Il lui demandait s’il pensait qu’il n’en avait pas conscience, que lorsqu’il l’avait vu pour travailler ensemble, il lui avait dit « oh excuse-moi Yasushi » et que tout avait changé, juste par l’immense bonté de Yasushi. Dieu seul savait qu’il en avait, mais ça ne s’était pas passé comme ça parce qu’on ne regagne pas la confiance de quelqu’un ainsi, surtout la sienne. Leur métier aidait, mais ils étaient très loin d’avoir retrouvé un dixième de leur complicité, mais ils avançaient jour après jour. Il tenta de se justifier en disant que c’était cela qu’il sous-entendait quand il disait que ça allait. Il ne pensait pas que ça soit un blasphème de revenir auprès de lui à présent et d’essayer de reconstruire leur relation, encore moins de s’en réjouir. Yasushi en avait l’air heureux en tout cas et il avait sans doute beaucoup de chance, car il était sur que si son meilleur ami avait été lui ou n’importe qui d’autre, je l’aurais perdu à jamais. Seulement, il ne se moquait absolument pas de ses sentiments, encore moins de lui. Yano aurait bien aimé le croire si leurs précédentes entrevues ne s’étaient pas soldées par tant de frustration et de silence. Il n’y parvenait pas. Il ne pouvait oublier ô combien son cousin était un être fragile. Il avait beau remonter la pente, reprendre gout à la vie, Yasushi était résolument atteint par une maladie qui le rongerait à jamais. Yano se mordit la lèvre et s’apprêtait à répondre à tout cela, mais Yong Woo ne vint nullement lui en laisser la possibilité.

Il lui demandait s’il pensait qu’il n’était pas le premier à s’en blâmer, s’il croyait sincèrement qu’il ne regrettait pas un instant d’avoir laissé Yasushi ou même qu’il ne l’est fait de gaieté de cœur, par légèreté ou parce qu’il croyait à tout ce qu’on disait sur lui et sa famille. Franchement ? Il n’en savait rien, il était résolument incapable d’avoir une pensée à ce propos. Il ne savait pas ce qu’il s’était passé et pour seule réponse, Yong Woo l’avait tout le temps envoyé sur les roses. Yong Woo lui reprochait de nombreux griefs, mais il reconnaissait certaines choses, venant admettre qu’il avait agi comme un pauvre connard lâche. Seulement, Yano ne pouvait pas rester là sans rien dire. Il l’accusait de bien des choses qu’il ne pouvait cautionner. Tout comme lui, il s’était levé de sa chaise, mais dans un mouvement lent et maitrisé pour venir se rapprocher de lui pour répondre froidement. « Tu as au moins le mérite de le reconnaitre, c’est déjà une chose ! Mais n’oublie pas une chose, Yong Woo : tu es le seul responsable de tout cela ! C’est toi qui n’as pas été foutu de me donner une seule bonne raison valable qui pouvait justifier ton acte ! » Son regard était perçant et brillant. « Crois-tu que ça ne m’a rien fait de voir Yasushi au bord du suicide ? Crois-tu sérieusement que je ne me suis pas senti trahi lorsque j’ai découvert tout ce qu’il avait subit là bas, seul, sans personne pour venir l’épauler et le relever ! Je te faisais confiance ! Je croyais en toi ! » Il cria cela dans un ton si froid et frustré qu’il dût se mordre la lèvre pour tenter de calmer sa colère.

«  Mais au final, tu l’as abandonné, tu l’as laissé sombrer sans rien faire. Tu es juste resté là à le regarder plonger dans ses ténèbres, dans cette maladie qui le ronge depuis cinq ans, sans jamais lui tendre la main. Tu n’as pas idée de l’état dans lequel je l’ai retrouvé… Il n’était plus l’ombre que lui-même, incapable de parler si ce n’est de s’excuser de tout et de rien. » Yano sentit les larmes lui monter alors qu’il venait déglutir, respirer fortement pour faire tomber sa frustration, sa tristesse de l’avoir vu dans cet état. « Et quand j’ai essayé de comprendre, avoir une idée de ce qu’il s’est passé entre vous deux pour que tu l’ai laissé ainsi, la seule chose qu’il trouvait à dire, c’est que c’était sa faute, mais qu’il ne savait pas ce qu’il avait fait de mal. Tu as la moindre idée de ce que c’est que de voir son cousin, dans un état de fragilité extrême, incapable d’avoir une image positive de lui-même si ce n’est de dire qu’il mérite tout ce qu’il endure ? » Il se mordait les lèvres fortement pour tenter de calmer sa respiration. « Alors oui, je t’en veux ! Je te tiens responsable, car au fond de moi, je suis persuadé que tu aurais pu le soutenir. C’était ton rôle, bon sang ! Tu étais son meilleur ami, son frère de cœur, celui qu’il n’avait jamais eu, mais tu as préféré fuir, comme un lâche, comme un “pauvre connard fini” et aujourd’hui encore, tu es incapable de me dire pourquoi. Pourquoi tu l’as abandonné ? Pourquoi tu n’as pas eu le cran de revenir à lui quand il avait besoin de son meilleur ami ? »

Son regard noir le fixait intensément alors qu’il venait frapper son poing sur la table. « Alors, parle, dis-moi ses raisons si tu en as enfin le courage. Mais si jamais tu le refais souffrir, Yong Woo. Je t’assure que je te le ferai payer d’une manière ou d’une autre. » Sa voix s’était éteinte dans un murmure alors qu’il le fixait de façon intense et profonde. Il le menaçait clairement. Yano avait pris la place de Yong Woo auprès de son cousin et comptait bien le protéger de toute personne susceptible de lui faire le plus de mal. A l’occurrence, Yong Woo en avait fait et en faisait partie et il voulait bien s’assurer que le message était passé.    

Cela n’était nullement évident pour Yano. L’impuissance qu’il ressentait encore à l’heure actuelle contre la maladie, qui rongeait son cousin, le rendait si fleur de peau. Il n’y avait rien de flatteur, ni de plaisant qu’il n’avait aucune main mise sur l’état psychologique de son cousin. Il n’avait aucun pouvoir sur celui-ci et son champ d’action ne se limitait à pas grand-chose. Il savait son cousin fragile, l’avait trouvé si démuni à son retour du Japon. Cela l’avait profondément marqué, troublé et attristé, au point que cela le touchait encore aujourd’hui. Sa colère et frustration n’avait jamais cessé de croitre dans ses entrailles. Elles se trouvaient si intenses, si dévastatrices. Il n’avait jamais exprimé ce qu’il ressentait face à cette situation, gardant tout en lui dans une boite qu’il n’ouvrait que rarement. C’était beaucoup plus simple, moins dangereux. Il se connaissait. Il avait déjà perdu son sang-froid dans de nombreuses occasions, ayant manqué à de nombreuses reprises de tuer quelqu’un, sans même l’avoir désiré. S’il parvenait à rester aussi calme, c’est avant tout parce qu’il avait considéré son vis-à-vis comme un frère, lui offrant son amitié et son affection. Cela ne rendait la trahison que d’autant plus amère et déplaisante. Jamais Yong Woo n’avait pris la peine de lui expliquer les raisons de tout cela, de cette séparation qui à cette époque symbolisait la crainte qui avait taraudait ses nuits : perdre Ki Suk.

Il atteignait ses limites. Il avait besoin de ses explications, qu’il crève l’abcès. Il ne pouvait rester de marbre, garder cette frustration et colère en lui. Il avait besoin de l’exprimer, de l’évacuer sur celui qu’il tenait égoïstement comme responsable. C’était égoïste en soi et Yano en avait parfaitement conscience. Cela lui permettait néanmoins de se désengager émotionnellement parlant. Il pouvait fuir sa propre impuissance et la rejeter sur quelqu’un d’autre. Yong Woo le méritait. À ses yeux, le simple fait de le savoir de nouveau aux côtés de son cousin le rendait malade. Il ne comprenait pas. Il ne cherchait pas vraiment à le faire. Il connaissait son cousin, avait conscience qu’il était prêt à pardonner son plus cruel des bourreaux pour peu qu’il s’excuse de ses faits. Yasushi était un homme au cœur pur et dont la vie s’était si cruellement jouée de lui. Son meilleur ami n’avait nullement échappé à faire partie de cette expérience déplaisante et qui avait rendu si malheureux, celui qu’il considérait comme son frère. Il voulait des explications, il le sommait de le faire. Son regard n’avait de cesse de le fixer avec noirceur. Il n’avait que faire que cette nouvelle le bouleverse. Il l’avait trop longtemps épargné. Il savait pertinemment que Yasushi n’avait jamais dû lui en parler. Il était de nature si réservée et prévenante, qu’il cherchait toujours à protéger son environnement en se confinant sur lui-même.

Il était cependant intraitable sur une chose : il n’avait pas intérêt à le blesser de nouveau. Yano ne comptait pas laisser cette possibilité se réaliser de nouveau sans lui en faire payer les conséquences. Il était prévenu et son émoi était résolument visible. Il avait des larmes muettes au coin des yeux. Son souffle se trouvait fort et saccadé. Il pouvait sentir son poing trembler. Son regard transperçait l’échine de Yong Woo tant il se trouvait froid et insistant. Le coréen quant à lui se mordait les lèvres en se laissant tomber sur son fauteuil. Il semblait bouleversé par les révélations qu’il venait de faire. Il plaça ses mains tremblantes devant ses lèvres, le regard brillant d’émotion. Yong Woo souffla dans une voix éteinte qu’il ne savait pas. Il ne pouvait l’imaginer. Comment aurait-il pu ? En étant, son ami, en le soutenant, s’insurgea intérieurement sans pour autant lui en faire part. Il n’était pas prompt à se montrer conciliant, ni même compréhensif. Il le regardait toujours avec insistance, le sondant avec force tandis que l’auror se plongeait dans un silence, le regard hagard. Yano restait debout, sans bouger, résolument silencieux. Il l’observait glisser sa main dans sa nique pour la gratter. Il souffla son prénom en se mordillant la lèvre. Il releva son regard vers lui, hésitant. Il semblait le supplier de ne point en demander plus et il préféra passer au-dessus de ses questions pour l’interroger sur la maladie de Yasushi. Il lui demandait s’il pensait vraiment que sa simple présence l’aurait empêché de sombrer tant il ne pensait pas avoir tant de pouvoir sur lui. Yano expira de façon brève, mais forte, quelque peu excédé par la réaction de son ancien ami. Celui-ci ne doutait pas qu’il viendrait le punir et lui faire payer s’il lui faisait du mal. Cela n’avait jamais été son intention. Ce n’était que son ignorance et sa négligence qu’il pouvait lui reprocher, à part une fois.

Il admettait qu’il y avait une fois où ils avaient dû se dire des choses qu’ils ne pensaient pas. C’était justement cette dispute qui l’intéressait, celle qui avait modifié la donne, celle qui avait tant rendu son cousin fébrile juste en y faisant référence. Une dispute qu’il était incapable de lui donner les éléments tant les souvenirs de celle-ci le plongeaient dans le chaos. Yong Woo resta quelques instants silencieux. Yano quant à lui, fulminait quelque peu sans dire mot. Il le fixait avec intensité, ne comptant nullement lui donner la possibilité de s’en sortir ainsi. Le coréen vint lever le regard vers lui pour le fixer. Il passa une de ses mains dans ses cheveux en lui soufflant que cela était une longue histoire. Ils avaient un peu de temps et il semblait enfin disposé à lui faire connaitre les détails de cette part d’ombre qu’il n’était pas parvenu à identifier. Yong Woo lui murmurait qu’il ne l’avait sans doute pas remarqué parce qu’il se trouvait à Sinseonghan, mais il s’éloignait déjà de lui avant que l’histoire des parents de Yasushi ne fasse scandale. Il soupira, hésitant, cherchant sans doute ses mots. L’expression de Yano ne changeait pas. Elle se trouvait sérieuse et concentrée sur les paroles qu’exprimer son ancien ami. Il ne savait pas comment lui dire cela. Ce n’était pas tant qu’il ne voulait pas lui expliquer à lui, ni même qu’il ne puisse pas comprendre. C’était peut-être le mieux placé pour le faire, mais il ne pouvait pas le lui dire, pas même à Yasushi. Il n’avait réussi que très récemment à lui avouer les raisons qui l’avaient conduit à s’éloigner de lui. Il avait été incapable de le lui dire à haute voix et ça l’était toujours. Les sourcils de Yano se froncèrent à la fois intrigué et perplexe. Il ne voyait pas où il voulait en venir, ni même en quoi il était le mieux placé pour comprendre la situation de son ancien ami. Yong Woo le fixait avec émotion en soupirant.

Il ne voulait pas lui en parler, car il voulait à tout prix oublier, tirer un trait sur ce qu’il ressentait pour lui et le dire à haute voix l’aurait rendu réel, l’aurait forcément dévoilé à ses yeux, mais surtout à sa propre personne ce qu’il ne voulait pas accepter, même s’il avait déjà franchi une limite avec Yasushi. Le regard de Yano se faisait plus inquisiteur, ne saisissant pas où il voulait en venir, n’ayant nullement l’idée de ses raisons qui étaient à l’origine de cette dispute entre les deux frères de cœur. Il lui avoua qu’il avait payé assez cher d’avoir dépassé cette limite et il ne voulait plus le dire à personne. Il avait préféré qu’il le haïsse et lui reproche d’avoir trahi l’être qu’il aimait le plus au monde, plutôt que de lui avouer qu’il était juste amoureux de son cousin. Parce qu’il en avait été vraiment dingue et qu’il se devait de faire le deuil de cette chose impossible. Il ne voulait pas le blesser. Son malheur avait été une torture. À cette révélation déchirante, le regard de Yano se troubla alors qu’il prenait conscience de la situation en question. Quelque peu sonné par elle, il le fixa troublé alors qu’il venait s’asseoir sur la chaise qu’il avait quittée dans son empressement. Il ne vint dire mot, son esprit comprenant la situation dans laquelle se trouvait son ami. Yasushi aurait-il rejeté Yong Woo et est-ce pour cela qu’il lui avait souvent rapporté qu’il était le seul responsable ? Le regard de Yano se mit à trembler alors qu’il venait glisser sa main derrière sa nuque dans un soupir.

« Je vois. » Souffla-t-il faiblement alors qu’il venait se pincer la lèvre. Il n’était pas totalement insensible à cet aveu. Même s’il ne pouvait pas totalement comprendre, il s’efforçait d’accepter son point de vue. La fierté de son ami avait dû être un élément fondamental dans le fait qu’il est quitté ainsi les côtés de Yasushi. Cependant, il voyait bien que cela ne l’avait pas rendu insensible de l’avoir fait. Cet aveu était une véritable douche froide pour lui, tant et si bien qu’il garda le silence encore quelques minutes. Il tentait de reprendre ses esprits. « J’étais loin de me douter que ce soit ce type de sentiment qui était à l’origine de votre dispute… et de tout le reste. Même si je ne comprends pas totalement… j’imagine sans trop de difficulté ta tristesse et ta douleur. » Yano soupira en massant sa nuque, troublé et ému. « Yasushi est atteint d’une bipolarité. Il a toujours été très sensible au stress et aux regards de son environnement. Même si ces troubles psychiques étaient anodins aux premiers abords, ils sont devenus plus violents lorsque mon oncle et ma tante ont été arrêtés. » Il se mordit la lèvre doucement alors qu’il venait joindre ses mains sur ses cuisses. « Je le pensais soutenu, mais j’ai malheureusement découvert bien trop tard que ce n’était pas le cas. J’étais… Je suis toujours en colère envers toi. D’autant plus maintenant que tu m’as avoué tout cela. Yong Woo, il avait besoin d’une personne qui croyait en lui, qui lui donnait la sensation d’être fort, qui avait toujours su le comprendre sans avoir besoin qu’il ne s’exprime. Tu étais cette personne pour lui et il s’est retrouvé, seul, isolé, en proie à ses propres démons. »

Il inspira profondément, le cœur lourd alors qu’il venait souffler dans une voix éteinte, émue : « Si seulement… si seulement j’avais pu l’entrevoir plus tôt, je n’aurais pas ressenti toute cette impuissance que j’ai accumulée jusqu’à aujourd’hui. Et je n’arrive pas à comprendre comment tu as pu passer à côté de ça, de son exclusion, de son repli sur lui-même, dans sa détresse et que tu ne sois pas intervenu pour l’en sortir, le sauver également. Encore aujourd’hui, il est profondément marqué par tout cela, sa maladie et bien qu’il arrive à vivre avec… elle est là et le demeurera sans doute à vie… Alors, ménage-le et ne le fais plus souffrir, je t’en prie. Il a besoin d’équilibre dans sa vie… Il a déjà assez souffert comme cela... » Il releva son regard vers son ancien ami dans une expression sérieuse et troublée, encore quelque peu remué par les découvertes qu’il faisait en ce jour.

L’impuissance était horripilante. Yano l’exécrait du plus profond de son cœur, tant cette émotion l’acculait dans une position inconfortable que son orgueil et sa fierté ne pouvaient tolérer. Cela le blessait de ne pas être en mesure d’aider ses proches, car il ne possédait pas les moyens pour y parvenir. C’était résolument le cas par rapport à la maladie de son cousin. Celle-ci était si complexe, si insurmontable et si cruellement inscrite dans la psychologie de cet être cher qu’il lui semblait impossible qu’elle disparaisse réellement. Il savait son cousin particulièrement meurtri par ce passé, cette maladie qui lui avait fait connaitre la plus sombre période de son existence. Ce qui l’attristait, c’était qu’il avait affronté ces épreuves seul, sans soutien à ses côtés. Cela n’avait de cesse d’approfondir sa culpabilité sans qu’il ne puisse s’en empêcher. Sans le désirer, il était passé à côté des faits qui auraient dû l’alarmer. Bien sûr, il avait bel et bien remarqué les tons sombres dans la plume de son cousin, tout comme dans ses mots, mais il avait été profondément persuadé que Yong Woo se trouvait à ses côtés. Jusqu’au jour où l’inquiétude l’avait conduit à demander à son père d’aller au Japon, voir Yasushi, car il ne recevait plus de ses nouvelles. Ils étaient à quelques semaines des vacances de Noël et l’annonce du verdict des parents de Yasushi était sur le point d’être rendue. L’annonce de la décision se fit sans appel et Yano avait retrouvé Yasushi dans un état si pittoresque, si meurtri qu’il s’était senti particulièrement détruit.

La désillusion qu’il avait eu, fut-elle qu’il n’avait pu qu’assister impuissant à la chute de son cousin, même s’il avait semblé reprendre des couleurs, ici, en Corée. Le chemin de la guérison avait été particulièrement rude et il devait reconnaitre qu’il avait développé une certaine rancœur envers cet ancien ami, qui se trouvait en face de lui. C’était sans doute l’absence de cet homme qui avait fait bouleverser le frêle équilibre de son cousin et quand bien même comprenait-il désormais les raisons de leur éloignement - du moins dans une certaine mesure -, il ne voulait pas revoir son cousin être embarqué une sphère nocive pour son esprit. C’est pour cela qu’il lui demandait de le ménager, de ne plus le faire souffrir de nouveau en s’éloignant de lui comme il l’avait fait. Yano voyait bien que cette nouvelle chamboulait son ancien ami. Il remarquait bien l’effroi et l’émotion, que son aveu avait suscitée en lui. Il le laissait se remettre de ses émotions, se sentant tout aussi troublé que lui puisse l’être. Crever l’abcès était étrange. Il avait cherché à le faire durant toutes ses années et avait essuyé tant d’échecs, que d’y être parvenu était troublant tant les vérités qui éclataient au grand jour étaient troublantes. Il était loin d’être au bout de ses surprises. Yong Woo était venu se masser la nuque, résolument troublé. Il lui informait qu’il l’avait vu, du moins qu’il avait vu qu’il était seul, mais qu’il y avait quelque chose qui le retenait de retourner auprès de lui.

Il avait eu la sensation qu’il ne serait qu’une peine de plus à ses côtés. Il n’était plus sûr de savoir comment retenir ses sentiments pour lui, il désirait l’oublier, mais il l’observait de loin. Oui, il le protégeait de loin, faisant taire toutes les médisances à son égard qu’il avait pu entendre. Il ne pouvait plus revenir près de lui. Yano remarquait bien que son ancien ami était submergé, troublé par ses mots. La suite ne put que le rendre tout aussi fébrile. Yong Woo lui raconta qu’un soir, tout s’effondrait autour de Yasushi. Après l’arrestation de ses parents, sa petite amie l’avait quitté et il aurait fait n’importe quoi pour le soutenir, le consoler, lui apporter un peu de réconfort et c’était ce qu’il avait fait. Il l’avait embrasé, bien qu’il s’attende à ce qu’il ne partage pas ses sentiments, qu’il ne l’aimait pas de cette façon, mais il l’avait rejeté. Il l’avait rejeté comme un moins que rien ! C’était donc de cela que Yasushi lui avait parlé sans être en mesure de trouver ses mots si ce n’est de dire qu’il était responsable de tout ce qui se passait ? Yano en restait bouché bée, troublé, fixant son ami qui lui demander s’il pouvait comprendre comment ça faisait mal de se voir rejeter par la personne qu’on aime le plus au monde juste parce qu’il en était amoureux. Il avait eu tort, il le savait, mais il se sentait terriblement détruit par ce qu’ils avaient dit ce soir-là.

Il pouvait comprendre en effet. Il imaginait cela sans trop de mal et ne savait quoi répondre à cet aveu. Il fixa son ancien ami, le regard troublé. Celui-ci se mordait les lèvres en se massant la nuque, nullement à l’aise. Il n’avait aucune intention de le faire souffrir. Il était vraiment heureux d’avoir pu le retrouver, de pouvoir renouer avec lui. Il se sentait vraiment honoré qu’il ait accepté ses excuses, d’autant plus avec ce qu’il venait de lui dire. Il regrettait vraiment de l’avoir abandonné. Yano le croyait. Désormais, qu’il avait connaissance de la majorité des éléments de l’histoire entre les deux jeunes hommes, il entrevoyait la situation et comprenait plus ou moins la réaction de son ami. « Je vois… » Il avait murmuré cela dans un ton quelque peu sonné alors qu’il venant se gratter la nuque doucement, mal à l’aise. « Je comprends et je te crois… J’espère que tout ira pour le mieux désormais. Je sais que tu es quelqu’un d’important pour Yasushi. Je pense… que vu les circonstances… le renouement de votre amitié peut lui faire du bien. » Il soupira doucement alors qu’il demandait simplement. « Pourquoi ne pas m’en avoir parlé plus tôt, Yong Woo ? Je veux dire… J’aurai sans doute était le mieux placé pour comprendre ta, votre situation… Enfin… c’est du passé, n’en parlons plus. » Il passa sa main sur son visage pour tenter de reprendre ses sens, laissant le silence se poser entre eux. Contrairement au précédent, celui se trouvait empreint de fébrilité et semblait naturel. Un coup d’œil sur le cadran de la pendule lui indiqua que le temps avait bien filé depuis qu’il était arrivé. Il était temps pour lui de prendre congé, mais il était venu ici pour voir Yasushi.

« Je dois y aller, mais avant cela, je voudrai savoir une chose, Yong Woo : comment va Yasushi en ce moment ? Il te semble être en bonne santé, bien dans sa peau ? C’est avant tout pour cela que je suis venu ici. Cela fait longtemps que je n’ai pas pu le voir avec mes différents voyages. Je voulais juste m’assurer qu’il se portait bien. » Il avait demandé cela dans un ton sérieux et inquisiteur, demandant à son ami s’il avait vu un comportement étrange de la part de son cousin. Après tout, il était son partenaire, il devait être le mieux placé pour lui en parler.