Mission repérage
Le Quidditch, ce n'est pas vraiment son truc. Enfin... Elle ne déteste pas vraiment ça... C'est plus qu'elle ne s'imagine pas enfourcher un balais pour voler après des balles. Mais de toute façon, le sport en général, sorcier ou moldu, ce n'est pas sa tasse de thé. Encore plus quand il s'agit de jeu en groupe. Elle, elle est plus du style solitaire. Courir toute seule dans son coin, ça lui va très bien. Ce qui l'embête, dans les sports de groupe, c'est le fait que d'autres personnes doivent compter sur elle. Elle préfère faire ce que bon lui semble. Trop de responsabilités, quand on bosse avec d'autres personnes. Et puis, le Quidditch, c'est tout de même un sport assez violent.
Les anglais en sont dingues, il paraît. Au Danemark, c'est une discipline beaucoup moins répandue. Les sorciers danois sont un peu plus collet monté. Johanne a du mal à se les imaginer entassés dans des gradins, en hurlant, le poing levé... Tous des prétentieux.
Quoi qu'il en soit, si elle se trouve ici, dans les gradins, parmi la foule, au cours d'un match, ce n'est pas pour le sport en lui-même. Le pire, c'est qu'elle ne sait même pas qui affronte qui. Non, elle a quelque chose de bien plus intéressant en tête... Mais c'est l'endroit parfait pour ce qu'elle mijote. Mine de rien, c'est au milieu d'une foule en délire qu'on est le plus à l'abri des regards.
C'était son idée en plus. C'est elle qui a proposé à Athénaïs de la retrouver ici. Parce qu'elle savait que l'autre aussi s'y trouverait. Ou, en tout cas, il y avait de fortes chances. L'Autre, leur nouvelle proie... Mais ou diable pouvait-elle se trouver? Pas évident de la repérer dans tout ce chahut.
Jouant des coudes pour se frayer un chemin, elle avance avec peine. Sur son passage, on marmonne furieusement. On lui adresse quelques jurons. Elle gêne les spectateurs, à se balader comme ça parmi eux.
« Hey, t'est pas transparente! ». Réaction immédiate. Pivotage de tête, regard noir. Là, la gentille Johanne est absente. Il y a des trucs qui la font vite sortir de ses gonds, et les foules en délire en font partie. Tant pis pour le type qui s'est trouvé au mauvais moment, au mauvais endroit. L'envie de lui balancer un joli "ta gueule" bien placé est forte. Mais c'est peine perdue. Le gars continue à râler, mais il est déjà passé à autre chose. Et puis même si elle lui causait, avec tout ce bruit, il ne l'entendrait sûrement pas. Pas la peine de perdre son temps et sa salive. Elle se contente de lui marcher sur le pied, puis poursuit son chemin.
A peine s'est elle retournée que la foule, d'un seul mouvement, se met à trembler. Des rugissements et hurlements de joies se mêlent dans une joyeuse cacophonie à laquelle elle ne prend pas part. Tout le monde se lève, tout le monde la bouscule. Elle est asSaille par une armée de bras, a l'impression de se noyer dans une marée humaine. La voix du commentateur du match lui perce les oreilles. L'une des équipes vient de marquer des points. Choquée par la soudaineté du mouvement et par sa violence, elle est ballottée en tous sens, et sa seule réaction est d'écarquiller les yeux, comme des soucoupes.
Tout aussi soudainement, tous se rassoient, comme une seule personne. Et elle se retrouve, les bras devant le visage comme pour se protéger, un peu tremblante, seule debout au milieu des spectateurs.
Seule? Pas vraiment. A travers ses doigts écartés, elle la voit. Debout, elle aussi. Une grande blonde à l'alluré altière, quelques rangs plus loin, les mains sur les hanches. Son visage affiche un sourire entendu.
« Trouvée ».
Trébuchante et fébrile, elle enjambe les gradins, slalome entre les gens pour rejoindre Athénaïs. Son pied se prend dans la lanière d'un sac à main, et elle manque de tomber, se rattrapant de justesse à la cape d'un sorcier, qui lui affiche un regard consterné.
« Faites attention, ma petite! ».
Affichant le sourire d'une petite fille heureuse de retrouver son amie, elle s'approche d'Athénaïs. C'est encore nouveau, pour elle, que de fréquenter une personne comme elle. Jusqu'à présent, elle ne s'entendait pas tellement avec les sang-pur. Il faut dire que ceux qu'elle a connus, là-bas au Danemark, sont assez terribles. Alors, quand elle se retrouve en face à face avec la blonde. Elle se demande quelle attitude elle doit prendre. Comment dire bonjour? Tout un programme. Lui faire la bise? Peut-être qu'elle pourrait trouver ça déplacé. Et puis, il y a des gens qui n'aiment pas tellement qu'on les touches. Elle en connais même plusieurs. Est-ce que c'est le cas d'Athénaïs? Elle réalise qu'elle ne le sait pas encore. Voilà une lacune qu'il faudra combler si elle veut se prétendre son amie.
« Hey, les filles, asseyez-vous! ». La voix d'un supporter vient briser la bulle de ses pensées. Impulsivement, elle s'empare de la main d'Athénaïs et la tire vers le bas pour s'asseoir à ses côtés. Se mordant la lèvre, elle jette un rapide coup d'oeil à celui qui les a interpellées, avant de s'en désintéresser totalement. Impatiente, elle sautille sur son banc. Ce n'est pas le match qui la met dans cet état, puisque depuis le début, elle n'a même pas posé le regard sur le terrain. Elle tend le doigt droit devant elle, désignant quelqu'un. Plusieurs rangs en dessous d'elles, les cheveux nouées en un natte souple, la proie.
« C'est elle! La nouvelle! ». Son regard est rempli de malice. Une nouvelle étudiante à l'université, quoi de plus tentant... Faible, dépourvue de repères, elle est la cible parfaite pour faire naître la plus folle des rumeurs...
Son regard croise celui d'Athénaïs. Il ne fait aucun doute qu'elles ont eu la même idée...