Sagement installé à son bureau, Yano s’efforçait tant bien que mal de se concentrer sur le contenu du cours. De nature discrète, il devait reconnaitre qu’il n’avait pas eu l’occasion de faire connaissance avec l’ensemble de sa promotion. Il faut dire qu’il restait et demeurait toujours le même. Quand bien même son amour avec Ki Suk lui avait permis de s’ouvrir aux autres, il restait de nature méfiante et il lui était résolument difficile de se faire de nouveaux amis. De ce fait, il se préoccupait souvent que des cours sans faire en sorte de se mêler à la masse. C’était plus simple et cela lui permettait de passer du temps avec Ki Suk, dont il était séparé durant les périodes de formation. De ce fait, il était résolument étrange qu’il ne parvienne pas à se concentrer. Il fallait reconnaitre que de nombreux éléments pouvaient expliquer sa déconcentration. La situation de sa meilleure amie, contre laquelle il se trouvait impuissant, cette amitié naissante entre Ki Suk et un parfait étranger, cette rumeur qui le mettait légèrement hors de lui. Il fallait reconnaitre qu’entendre des personnes divulguer une rumeur impliquant sa jeune sœur comme étant une salope, qui s’amusait avec le cœur des hommes, n’avait rien d’agréable. D’autant plus qu’elle semblait être exposée à l’oreille de tous dans les couloirs. Il savait qui était le responsable de telles calomnies et le savoir assit non loin de lui, ne venait nullement l’aider à se concentrer. Pourtant le cours du professeur Worthington était intéressant.

Il appréciait l’aisance que ce dernier avait de donner ses cours. Son discours était rythmé et il avait des connaissances très pointues dans son domaine, tant et si bien qu’il avait toujours réponse à tout. Il avait pu avoir de précieuses informations de sa part pour l’objet de recherche de son mémoire de fin d’année, mais aujourd’hui, il ne parvenait pas détourner son regard de cet homme. Ses prunelles sombres observait le jeune homme, tâchant de le percer de son regard, lire en lui sans réellement le faire. Il le connaissait brièvement de vue. Il connaissait son nom, son prénom, ses origines. Il lui avait semblé être un jeune homme discret aux premiers abords. Pourtant, c’était celui qu’on lui avait indiqué lorsque piqué à vif, il avait sommé à un jeune homme de lui dire, qui avait divulgué cette information. Ce dernier n’avait pas hésité à lui donner son nom et son prénom. Bien évidemment, il lui avait rapidement fait passer l’envie de divulguer une telle rumeur, son regard noir et perçant, sachant parfaitement se faire comprendre sans n’avoir à lever le regard. Il voulait en avoir le cœur net. Il irait lui parler après le cours. Et si cet homme lui avait dit vrai, il n’hésiterait pas à lui faire passer l’envie de traiter sa sœur cadette de « salope ». Il attendit donc patiemment la fin du cours pour aller à la rencontre de cet homme. Lorsque le professeur vint lui annoncer la fin du cours pour la journée, il avait rapidement plié ses affaires pour aller à la rencontre du jeune anglais, se mettant face à lui en lançant.

« Ethan Peters ? Je peux te parler en privé ? » Sa voix était neutre, nullement amicale, ni emplie d’émotion. Son regard quant à lui, le perçait de ses prunelles froides et austères. « Il y a certaines choses dont il faudrait que je te parle. Suis-moi. » Si ça avait un autre homme, sans doute aurait-on pu penser qu’il comptait le tuer. Ce n’était pas vraiment le cas. Innocent jusqu’à preuve du contraire à ses yeux. Il lui indiquant de le suivre d’un mouvement de tête alors qu’il sortait de la pièce pour l’amener dans un coin reculé de l’étage. En silence, il vint lui faire face de nouveau, le détaillant de son regard perçant et austère. « Je pourrais avoir des explications ? » Lâcha-t-il sans émotion alors qu’il voyait la surprise se peindre sur le visage du jeune homme. « Aika Wada ? Ça te dit quelque chose ? » Le ton de sa voix se fit un peu plus ferme alors que son regard s’assombrissait terriblement. Sans un mot, il attendait sa réponse et le défiait de prendre la poudre d’escampette. Il voulait des réponses et il en aurait.

TENUE : 01.

Yano avait parfaitement ignoré la remarque de son camarade. Il n’était pas un homme face auquel on pouvait se défiler si rapidement. Cette réaction de son vis-à-vis lui déplaisait réellement, tout comme son anxiété face à lui. Son esprit fermé à toute pensée telle que l’hypothèse où son comportement actuel était la cause, il ne laissait nullement au jeune homme la possibilité de se défiler. C’est pour cela qu’il l’avait plus ou moins contraint à le suivre sans un mot, gardant cette attitude austère qui le caractérisait tellement. Ne souhaitant nullement se donner en spectacle, Yano avait pris la direction d’un endroit au calme du niveau, à l’écart des passages intempestifs des étudiants qui pourraient troubler le secret de leur relation. Il ne se rendit nullement compte qu’il mettait le jeune homme dans une situation délicate, comme pris au piège de sa personne. Ce dernier se trouvait acculé contre un mur tandis qu’il avait pris place face à lui. Ses paroles n’étaient nullement bienveillantes. Elles se trouvaient directes et froides, demandant des comptes à cet homme, qu’on avait dénoncé comme initiateur de telles rumeurs sur sa jeune sœur. Des insultes qu’il ne pouvait accepter, ni même tolérer tant celles-ci se trouvaient particulièrement désobligeantes.

Il voulait des explications et quand même avait-il l’habitude de s’énerver facilement lorsqu’on touchait à ses preuves, Yano s’efforçait de rester calme et obligeant, bien qu’austère. Il lui avait demandé des explications froidement, en venant directement au sujet qui l’intéressait. Ethan semblait surpris, le fixant avec un air perdu, ce qui le contraint à cadrer plus précisément le sujet qu’il voulait aborder. Ce fait sembla perturber le jeune homme, venant éveiller la méfiance de Yano, sans s’en rendre compte. Son regard se fit plus perçant et froid. Il le vit déglutir, tenter de retrouver ses esprits. Il le trouvait particulièrement agité et ses paroles soulevaient son interrogation. Peut-être était-ce voulu ? Yano restait néanmoins sur ses gardes. Il vint lui retourner la question, lui demandant s’il s’était bien une étudiante. Il ne semblait pas où il voulait en venir à première vue, mais il était évident que ça ne pouvait être aussi facile. Cela ne vint nullement adoucir le regard de Yano, qui se fit plus perçant et moins aimable, un peu inconstant face à la réaction de son camarade. Cela eut pour effet de faire réagir celui-ci, le faisant poursuivre sur sa lancée, en balbutiant. Il savait qu’il y avait des rumeurs qui courraient sur elle, si c’était dont il voulait parler, mais il ne voyait pas ce que cela pouvait avoir avec lui.

Yano le fixait de façon intense, s’efforçant à le percer du regard pour s’assurer qu’il ne lui mentait pas. Cela ne semblait pas être le cas. Du moins, il voulait bien lui donner le bénéfice du doute. C’est pour cela qu’il vint inspirer doucement pour venir répondre. « C’est une étudiante en effet, et à l’occurrence ma petite sœur. » Il en profita pour lui faire une petite piqure de rappel au passage. Sa voix se fit toute aussi sec et froide que quelques secondes auparavant, alors qu’il venait ajouter sur le même ton. « Tu dois sans doute la connaitre… et il paraitrait même que tu ne la connais pas que de vue… » Sur ces mots, il vint retirer son portefeuille de la poche de son jean pour en retirer une photo de sa sœur, la lui montrant pour s’assurer qu’il ne lui mentait pas. Son regard sérieux et ferme le transperçait alors qu’il venait ajouter. « Il parait qu’elle t’aurait tapé dans l’œil, tant et si bien que tu aurais tenté ta chance et tu aurais pris un refus catégorique, qui t’aurait particulièrement humilié au point de divulguer de telles rumeurs à son sujet. Est-ce le cas ? » Sa voix se fit plus froide et ferme alors qu’il venait ranger la photographie dans son portefeuille pour la placer de nouveau dans la poche de son jean. « Si c’est le cas, j’aimerai quelques explications. Car autant je peux comprendre qu’il n’est pas agréable de se prendre un refus, mais moins quand on ose insulter ma sœur pour une raison aussi futile. Je voudrai éclaircir cela, si tu veux mieux comprendre. »

Une menace ? Peut-être. Yano avait tendance à s’emporter facilement et si Ethan n’était pas convaincant et le provoquait, il était fort à parier qu’il ne se gênerait pas à lui faire passer l’envie de refaire cela, du moins avec sa sœur.

Yano était quelqu’un de très froid et austère aux premiers abords. Loin d’être expressif, étant particulièrement doué pour camoufler ses émotions, il donnait souvent l’impression d’être quelqu’un d’asocial. Ce n’était résolument pas le cas, mais il est vrai qu’à cet instant, sa méfiance de grand frère ne pouvait que renforcer l’idée qu’il était en train de le menacer. Ce qu’il désirait vraiment ? En avoir le cœur net, savoir si Ethan, ce jeune homme de sa promo était bien l’investigateur de ses rumeurs désobligeantes et insultantes qui circulaient sur sa jeune sœur. De ce fait, il est évident qu’il se montrait particulièrement froid et direct dans ses paroles. Il n’était pas du genre à tourner autour du pot et quand il avait quelque chose à dire : il le faisait. Bien sûr, très intelligent il savait également être diplomate pour obtenir ce qu’il désirait de ses interlocuteurs. Seulement, en observant bien ce jeune homme, il n’était pas sûr d’avoir visé juste. C’est pour cela qu’il y allait en douceur, pour tenter de percer la vérité. À première vue, il semblait totalement décontenancé par ses mots et l’annonce des rumeurs qui circulaient. Il ne mentait pas, son regard était complètement troublé. Il lui montra une photo d’Aika pour s’assurer que c’était bien le cas. Il ne savait pas du tout de quoi il parlait.

Face à de telles paroles, il vint entrer dans le vif du sujet, sans faire d’autres détours comme il avait pu le faire jusqu’à maintenant. Les prunelles de son vis-à-vis vinrent s’écarquiller de stupeur, comprenant mieux la situation, si le sujet était demeuré abstrait pour lui jusqu’alors. Il semblait stupéfié, médusé et soudain très angoissé. Il le sentait, étant très sensible à ce genre de changement. Il finit par s’exprimer, les larmes lui montant aux yeux. Yano pouvait le voir et il comprit à cet instant, que ce n’était pas lui. Il paniquait vraiment, ce n’était pas une comédie. Il lui jurait qu’il n’y était pour rien, qu’il ne savait pas qui lui avait raconté tout cela, mais que c’était un mensonge. La voix de son camarade était brisée, comme si sa gorge se trouvait serrée par la peur. Il se tut, réfléchissant à ce qu’il pouvait ajouter, Yano quant à lui restait silencieux, attendant que le jeune homme se calme ou retrouver ses esprits. Il était évident qu’il était totalement accablé et craintif. Cela venait toucher la corde sensible de Yano, qui se sentit légèrement mal à l’aise, désormais qu’il prenait conscience qu’il l’avait prit à partie, à tort.

Ethan lui affirma qu’il n’était pas ce genre d’homme. Il leva son regard vers le sien pour l’en persuader. Il n’aurait jamais eu le courage de demander une telle chose, d’autant plus à une fille aussi belle que sa sœur. Il aurait d’ailleurs eu trop peur que ça ne lui retombe dessus au final. Cette dernière phrase semblait ironique et sarcastique. Yano quant à lui fronça les sourcils, un instant, réfléchissant. Il se demandait qui pouvait lui en vouloir pour le tenir responsable de telles rumeurs. Il allait devoir enquêter sur cela, pour notamment avoir le cœur net sur toute cette histoire. Cela lui déplaisait énormément qu’un être abject n’insulte sa sœur en la cataloguant de la sorte. Il trouverait le fin mot et notamment le coupable de toute cette infamie. C’est pour cela qu’il releva son regard vers le jeune homme en se raclant la gorge.

« Je te crois. » Lâcha-t-il dans un ton légèrement abrupt, plus qu’il ne l’aurait voulu. « Tu peux te rassurer, je ne vais pas te faire de mal. » Ajouta-t-il dans un ton plus neutre alors qu’il venait inspirer profondément. « Je ne sais pas qui est la personne qui te tient responsable de cela, mais je trouverai ledit coupable, assurément un de ses jours. » Une chose qu’il comptait assurément chercher et découvrir, tant son esprit ne pouvait supporter qu’on catalogue sa jeune sœur d’une telle injure. Il inspira doucement en venant glisser sa main derrière sa nuque. « Je te dois quelques excuses, je pense. » Finit-il par murmurer alors qu’il venait s’incliner obligeamment face à lui, en accord avec ses origines japonaises. « Laisse-moi te payer un café ou quelque chose pour me faire pardonner. En espérant que tu ne m’en tiendras pas trop rigueur. » Sa voix se fit plus calme et plus douce alors qu’il venait lui sourire humblement, attendant un retour de sa part, tout simplement.

Ethan l’avait convaincu. Yano était persuadé de son innocence et prenait donc conscience de son erreur et de la situation embarrassante dans laquelle il avait mis le jeune homme. Il se devait de lui présenter ses excuses et c’est ce qu’il avait fait le plus humblement et obligeamment qu’il soit. Sa fierté n’en était nullement bafouée. Il la gardait, adoptant une attitude naturelle et obligeante. Il avait de bonnes manières et cherchait toujours à réparer ses erreurs lorsqu’il prenait conscience d’avoir agi de façon inadéquate. De ce fait, lui proposer un café était la moindre des choses pour qu’il puisse se remettre de ses émotions. Il avait conscience que son comportement l’avait intimidé. Il avait conscience de l’effet quelque peu angoissant que son expression pouvait avoir sur les gens. Une attitude austère qui lui collait à la peau, mais qui faisait partie intégrale à son caractère. Il n’était donc pas décontenancé par la réaction résolument perturbée de son camarade. Celui-ci vint l’interrompre dans son action pour s’incliner, venant le fixer avec des yeux ronds en s’inclinant maladroitement à son tour. Le jeune homme était particulièrement intriguant pour Yano, qui n’avait jusqu’alors jamais eu l’opportunité de faire plus ample connaissance avec lui. À vrai dire, il ne le connaissait que très peu.

Ethan balbutia résolument mal à l’aise alors qu’il lui murmurait qu’il acceptait si ça lui faisait plaisir. Il était résolument troublé et cela semblait même l’agaçait. Yano quant à lui l’observait, curieux et intrigué par son comportement. Cela lui rappelait certaines réactions de son cousin. Cela le troublait, touchait une certaine partie sensible de son esprit. Il le vit soupirer avant de reprendre son calme. Il lui disait qu’il n’était pas obligé de faire ça. Il comprenait sa réaction et aurait réagi de la même façon si sa sœur était toujours là, pour la protéger. Yano ne sut nullement comment interpréter cette phrase. L’emploi de l’imparfait le perturba et le rendait curieux. Il se gardait bien d’aborder le sujet, ayant peur de toujours un sujet sensible en vue des possibilités que l’emploi de ce temps du passé pouvait soulever. Ce n’était résolument pas le genre de sujet qu’on abordait avec un parfait inconnu, quand bien même se trouvait-il être un camarade. Yano restait donc silencieux tout en continuant de l’observer. Son regard se faisait calme, presque doux. Le faible sourire qui ornait ses lèvres invitait le jeune homme à s’exprimer, continué sur sa lancée. Ethan semblait regagné en assurance, adoptant une posture un peu plus décontractée. Il reprit la parole, lui informant qu’il ne lui en voulait pas. S’il voulait vraiment se faire pardonner par café, il l’acceptait, mais cela n’était pas nécessaire. Il n’était résolument pas un homme rancunier et semblait résolument bien plus calme que lui.  

Yano comptait bel et bien honorer son engagement. Il n’était résolument pas du genre à s’acquitter de la sorte. Il lui devait au moins cela et une discussion plus calme pour se racheter et il devait reconnaitre qu’il en avait envie. Il y avait quelque chose chez le jeune homme qui l’intriguait et il désirait en savoir plus. « Merci de ta compréhension, mais mon offre tient toujours. C’est la moindre des choses que je puisse faire et j’en ai envie. On y va ? » Lâcha-t-il naturellement alors qu’il venait l’inviter à reprendre le chemin. Il marchait d’un pas lent et assuré, naturel et prestant à ses côtés alors qu’il ajoutait dans un ton plus calme et avenant. « Je suis désolé si je t’ai effrayé, j’ai tendance à m’emporter lorsque cela touche de près ou de moins à ma famille. Je suis de nature très protectrice et je dois reconnaitre que je n’ai pas des capacités très développées en termes d’expression. J’ai manqué de discernement, mais comme tu es un homme très discret et que cela fait que quelques semaines, que nous n’avons pas repris les cours, dans cette nouvelle université, je ne pouvais m’assurer que tu n’étais pas l’homme qu’on prétendait que tu sois. » Il lui souriait obligeamment alors qu’il venait lui tendre la main dans une pause d’arrêt. « Yano Wada, ravi de te rencontrer. Je viens de Corée. De ce fait, je suis issu d’un métissage entre un Japonais et une Coréenne, ce qui explique que je porte un prénom et un nom purement japonais. Je suis actuellement en formation pour devenir chercheur en créatures magiques. Et toi ? Autant faire connaissance pour éviter tout éventuel nouveau malentendu, ne penses-tu pas ? » Il lui souriait doucement alors que son expression se faisait plus douce et agréable. Qui sait, peut-être finiraient-ils par devenir des connaissances et pourquoi pas des amis ? L’avenir leur dirait bien.    

Yano n’avait jamais été particulièrement doué pour se lier à autrui. Un handicap social qu’il devait à son éducation de jeune héritier tant on lui avait pris à se positionner au-dessus d’autrui. Sans être présomptueux, bien qu’il doive reconnaitre qu’il l’était parfois, il avait cette habitude d’ériger des barrières entre lui et les autres sans même s’en rendre compte. De ce fait, il travaillait durement pour améliorer ses défauts, même si ce n’était pas évident tous les jours d’aller à l’encontre de sa nature. Sa relation avec Ki Suk lui avait permis de s’ouvrir un peu plus aux autres et il s’efforçait de détruire les limites que son éducation l’inculquait à avoir. Il espérait donc que cette entrevue avec son camarade se déroulerait bien. Il s’était donc présenté, faisant sans même en prendre conscience, un peu de zèle, mais qui expliquait dans les grandes lignes, certaines choses. Après tout, il avait un prénom et nom japonais, mais en vue de ses traits, il avait tout d’un coréen. De ce fait, il lui avait semblé légitime de lui expliquer qu’il était issu d’un métissage. Cela lui semblait logique, même si cette information aurait pu être conservée. Il désirait néanmoins faire connaissance avec le jeune homme, préférant partir sur des bases plus nouvelles que cette malencontreuse entrevue, qui n’avait rien de plaisant.

Il fut satisfait de le voir répondre à son geste, venant à son tour serrer sa main en lui donnant son patronyme. Selon lui, il n’était pas aussi intéressant qu’il ne pouvait l’être. Le jeune homme lui rendit son sourire en lui avouant que ses parents étaient tous les deux anglais et qu’il étudiait pour devenir auror de second échelon. Il devait reconnaitre que cette information avait de quoi surprendre quiconque, mais ce n’était pas le cas de Yano. Après tout, il était le mieux placé pour savoir que tout auror n’était pas forcément un homme viril, casse-cou et prêt à tout pour arrêter les criminels. Yasushi ne faisait résolument pas partie de ce modèle et ne le serait sans doute jamais. Pourtant, le métisse ne doutait nullement de ses capacités d’analyse et de combat, tant il était capable de retourner toute situation à son avantage. Il ne doutait donc nullement de la légitimité du jeune homme à devenir un futur chasseur de criminel. Après tout, s’il était arrivé à ce niveau d’études, c’est bel et bien parce qu’il était capable de le devenir. Yano était bien placé pour connaitre l’entrainement intensif qu’on réservait à l’Élite du terrain. Il écoutait donc sagement les paroles de son camarade alors qu’ils descendaient un à un les étages qui leur permettraient rapidement de rejoindre la cafétéria de l’université.

« Tu n’as peut-être pas le profil pour ce cursus, comme tu le dis si bien, mais si tu es là où tu en es aujourd’hui, c’est bel et bien que tu le mérites. Je suis bien placé pour connaitre les épreuves qui attendent les apprentis auror. » Lança-t-il dans un ton ferme, mais doux alors qu’il ajoutait. « J’ai moi-même suivi un cursus d’auror, même si ce n’était que de premier échelon, durant deux ans. Ma famille est composée d’aurors talentueux et c’était une évidence que je suive leur trace, mais par choix personnel et par ce que c’est ce que je voulais faire, j’ai choisi cette nouvelle voie. » Son sourire se fit doux alors qu’ils passaient la porte de la cafétéria en se dirigeant vers le comptoir pour prendre chacun une collation avant de prendre place à une table. « De ce fait, je pense qu’il faut de tout dans une équipe d’aurors, et notamment au cœur d’un binôme. Il n’y a rien de mal à être la tête stratégique, si ton ou ta partenaire est plutôt une personne de terrain. L’important est de trouver un équilibre. J’espère que tu le trouveras ou même que tu l’as déjà trouvé. En tout cas, il ne faut jamais baisser les bras, si c’est vraiment ce que tu désires. » Il lui souriait doucement et aimablement alors qu’il venait boire une gorgée de son café. Il pensait sincèrement ce qu’il disait, même si ça pouvait sembler étrange de la part d’une personne pour une première rencontre. Seulement, il était évident que le jeune homme manquait de confiance en lui et avait tendance à perdre ses moyens lorsqu’on l’acculait. Cela n’était pas une tare, il fallait juste apprendre à surmonter cette « crainte du regard d’autrui » pour avancer et assumer ce qu’on était. Ce n’était pas simple, mais avec un peu d’entrainement et d’acharnement, cela était peut-être réalisable. Du moins, c’est ce qu’il pensait.

Il avait bien remarqué qu’Ethan n’était pas bien sûr de ses capacités. Il l’avait pressenti dans ses commentaires à son attention. Un comportement qu’il connaissait bien, Yasushi, son cousin ayant la même. Pourtant, il pensait sincèrement que le jeune homme ne prenait pas conscience de ses réelles valeurs, tout comme le faisait son cousin. Il s’était donc lancé dans un discours pour tenter de lui offrir un discours sécurisant. Il n’était peut-être pas un duelliste hors pair, mais peut-être qu’il avait des qualités en matière de stratégie. Si ce n’était pas le cas, il suffisait juste de trouver un juste équilibre avec son coéquipier. Du moins, c’était ce qu’il pensait. L’expérience affirmerait son caractère dans l’avenir et il finirait peut-être par prendre conscience de ces propres qualités. Il l’espérait dans tous les cas. L’anglais vint le remercier de ses encouragements. Il se trouvait idiot, mais ça le touchait d’entendre autre chose que des moqueries. Ce n’était absolument son genre. Yano se permettrait jamais une telle chose, son éducation ayant été bien trop stricte et respectueuse pour qu’il en soit autrement. Même s’il ne mâchait pas ses mots, il n’était pas le genre de personne à dévaloriser les gens, les piétiner sans égards. Dans tous les cas, il ne se considérait pas comme une tête stratégique, étant plus du genre à appliquer ce qu’on lui avait appris et à se servir uniquement de ce qu’il maitrisait parfaitement. Il n’y avait rien d’anormal à cela, personne ne nait avec des talents exceptionnels. Toute capacité et stratégie s’apprend.

Yano ne vint rien ajouter, supposant que le jeune homme ne partagerait pas son avis, en vue des commentaires qu’il faisait sur lui-même. Il buvait donc son café en l’écoutant attentivement. Cela avait peu d’importance pour l’anglais. Il n’aimait pas trop parler de ses nombreuses faiblesses. Yano était le plus mal placé pour lui prouver le contraire, il ne connaissait pas du tout le jeune homme. Sans doute que sa parole aurait peu d’intérêt pour celui-ci. Dans tous les cas, il l’avait bien vu par lui-même. Du moins, c’était ce qu’il disait. Yano avait juste senti qu’il n’aimait pas la pression, ce n’était pas une tare… Il savait au moins pourquoi les gens ne lui faisaient pas confiance, d’autant plus en tant qu’apprenti auror. Il voyait clairement de la résignation de la part du jeune homme. Yano n’était pas du tout d’accord avec lui, mais il savait ô combien cela été difficile de faire entendre raison à quelqu’un qui était persuadé de ne pas être « digne » de confiance. Yasushi en était le plus bel exemple. « Je pense que tu es très dur envers toi-même… » Répondit-il simplement en venant le regarder. « Ce n’est pas un défaut, bien de là ! » poursuit-il en lui souriant faiblement : «  Cela te permet d’avoir une distance critique sur soi-même et sur son environnement. Cependant ça peut rendre particulièrement anxieux… » Il constatait cela sans arrière-pensée.

« Je pense néanmoins qu’il est important de garder en tête ses qualités, mais ça, les amis sont la meilleure clé de lecture que nous pouvons avoir de nous-mêmes. Je suis sûr que tu as de nombreuses qualités que tu ignores. L’idéal est juste de faire de son mieux dans la vie et de garder la tête haute avec nos qualités, nos défauts. C’est ce que j’ai appris par moi-même et parfois cela fait du bien d’accepter ce que tu es. » Il parlait par expérience alors qu’il venait finir sa tasse. Il observa la pendule de la cafeteria, prenant conscience de l’heure avancée qu’il était. Il grimaça faiblement, se disant que Ki Suk devait s’inquiéter de son retour. Il connaissait la psychologie particulièrement anxieuse de son petit-ami. Il aurait peut-être dû lui envoyer un patronus, mais il n’avait jamais osé le faire jusqu’à ce jour. La raison ? Très idiote en soit, mais qui faisait sens au malaise qu’il avait vécu depuis sa découverte avant de comprendre son sens. Il hocha la tête dans une expression sérieuse alors qu’il venait se lever de la chaise pour prendre congé, le cœur un peu plus léger d’être parti sur de nouvelles bases avec le jeune homme après un début catastrophique.

-- FIN --