I am a man ❦
ft : Aika

Boutiques de balais en tout genre, fabriquants de baguettes sur-mesures et hiboux volants au dessus des toits pour aller délivrer le courrier de leur possesseurs ; pas de doute, tout respirait bel et bien la sorcellerie dans Wincap. Kyu Jin posa sa mallette sur les pavés vieillis malgré la nouveauté de la capitale, ceci afin d'admirer ce qui se trouvait autour de lui. De nombreux sorciers se précipitaient par-ci par-là, cherchant vraisemblablement à finaliser leurs achats de rentrée. Certains faisaient la queue pour pénétrer dans la bibliothèque, d'autres avaient de mal à se faufiller hors de l'animalerie sans écorcher quelqu'un au passage avec la cage neuve de leur chouette. Ce spectacle lui rappelait étrangement lorsqu'il se trouvait encore en Corée, lui aussi toujours pressé à faire les derniers préparatifs avant de retourner à l'Université. Ceci dit, le paysage était totalement différent. Le jeune homme avait entendu dire que ce quartier Alihosty'area avait puisé son décor typique dans l'architecture africaine ; d'où les couleurs flamboyantes des habitations et l'atmosphère amicale qui s'en dégageait. C'était en cela très différent de ce qu'il avait vécu et vu jusqu'à présent dans son pays natal et il avait du mal à se faire à cette nouvelle culture. Ou plus précisément, à ce mélange effrayant de civilisations plus différentes les unes que les autres. A vrai dire, c'était bien la première fois où il se retrouvait immergé, seul, dans un endroit totalement inconnu.

Kyu Jin se décala pour laisser passer une famille qui devait sûrement se diriger vers le zoo de la ville, il se promit d'ailleurs à cet instant d'aller le visiter durant la semaine qui venait. Il avait emménagé hier dans la mâtiné et n'avait pas quitté l'appartement depuis pour faire du tourisme ou aller côtoyer les autres sorciers. Ce n'était pas vraiment son genre et surtout il avait eu à s'occuper de nombreuses choses depuis ces dernières vingt-quatre heures. Son frère était venu le chercher et l'avait aidé à s'installer dans la chambre d'ami. Il avait un toit, en échange il devait simplement s'occuper des tâches ménagères et de la cuisine, voire baby-sitter sa nièce si jamais son frère en avait besoin. Après avoir finalement fini d'installer ce dont il avait besoin, à savoir un nombre considérable de livres, de potions, de sortilèges et autres éléments qui le passionnaient ; il avait dû contacter Kisuk. Ce dernier n'était rien de moins que le meilleur ami de sa sœur et il devait aider le potioniste à faire une surprise à Suk Hee, qui ne se doutait absolument pas que son frère avait décidé de quitter le cocon familial pour venir la retrouver. D'ailleurs, ce secret avait dû être négocié avec sa nièce, son silence étant acheté à coup de bonbons, de jeux et de démonstration de magie.

Kyu Jin lâcha un soupir avant de reprendre sa mallette pour se diriger vers le lieu de son rendez-vous. La dernière personne à être au courant de sa venue secrète à Wincap était Aika, une sang-pure qu'il avait connu à l'école de sorcellerie coréenne, Sinseonghan. Bien que plus jeune que lui, elle était ce qu'il considérait comme une “connaissance proche” le terme d'”amie” étant pour lui comme inconnu. La jeune fille devait le retrouver à la Treasure house's Colifata, l'endroit où dorénavant le chercheur travaillait. D'ailleurs, il fallait qu'il se repère à présent.. C'était bien beau de marcher et d'admirer les bâtiments, mieux valait qu'il ne soit pas en retard pour sa rencontre avec Aika, la première depuis un moment à vrai dire. Il sortit de sa poche la carte que lui avait donné son frère afin de consulter le chemin qu'il devait emprunter à présent. Certains endroits d'Alihosty'area n'étaient pas forcément les plus fréquentables, alors autant ne pas s'y perdre pour sa première sortie en ville.

Après plusieurs passages de rues en rues, il arriva devant la bâtisse où trônait l'inscription « Treasure house's Colifata ». Il y entra, cherchant si par hasard quelqu'un s'y trouvait déjà, et pour son plus grand bonheur il n'y avait pas un rat. Sur le comptoir, une note à son intention s'y trouvait, disant qu'Eduardo Colifata, le propriétaire, n'était pas là pour l'accueillir à cause d'une livraison arrivée plus tôt que prévue. La note disparu après que Kyu Jin l'ai lu, il se retrouva donc seul dans ce lieu paradisiaque à son sens ; chaque ingrédient magique et chaque recette de potions se trouvaient ici, sur les innombrables étagères qui ornaient les murs de l'échoppe. Il alla dans l'arrière boutique afin de se débarrasser de ses affaires et lire avec attentions les règles de la maison, les devoirs que son poste impliquait et tout ce qui pouvait se ratacher à son nouveau travail. De ce qu'il avait retenu, un autre sorcier était employé ici, à supposer une femme de par son prénom : Jane Jenkins, qui apparemment n'était pas là, sûrement sortie faire une course.

Après quelques minutes à parcourir les rayons tel un enfant dans un magasin de farces et attrapes, le nouvel employé se plaça dans l'encadrement de la porte. Ayant laissé sa veste à l'intérieur, son collier était visible par tous au-dessus t-shirt gris anthracite. Même si proche de l'étudiante, Kyu Jin ne voulait pas se résoudre à utiliser le langage des signes avec elle, comme avec quiconque. Le seul bémol à cette pratique était que le fait qu'il lise sur les lèvres pouvait s'avérer très gênant pour son interlocuteur, car il les fixait afin de ne manquer aucun mot. Avez-vous déjà essayé de ne regarder que les lèvres de la personne qui vous parle ? Oui, quand vous vouliez embrasser cette dernière. Et bien imaginez le faire avec chaque individu avec qui vous discutez, étrange non ?

Kyu Jin donna rapidement un coup d'oeil à sa montre afin de  se repérer dans le temps, lorsqu'il releva les yeux se fut pour voir la silhouette d'Aika se rapprocher de lui d'un pas déterminé.. D'ailleurs un peu trop déterminé.. Il se redressa et passa ses mains dans les poches de son jean.  

« Bonjour? » Alors qu'il remuait ses lèvres, une voix légèrement grave se fit entendre, en accord avec son physique. Quiconque pouvait être berné par cet enchantement et ne pas s'apercevoir de sa surdité. C'était en partie pour cela qu'il utilisait ce charme, en plus de ne pas supporter le bafouillement qu'il émettait à cause de son handicap. Il observa la demoiselle face à lui et haussa un sourcil, il ne faisait que très rarement la conversation, mais cela faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas vu et il s'était promis de faire un effort. « Hm.. Comment vas-tu ? » Se rendant compte de son manque total d'expressivité il leva les yeux au ciel le temps de trouver quelque chose d'intelligent à sortir. « Tu as.. Changé ? Enfin, tes cheveux ont poussé.. » Lâcha-t-il dans un soupir, il se sentait plutôt ridicule. Mais au moins, cela avait le mérite d'être vrai. Aika avait pris un air plus mature sans perdre son côté joyeux, puis  effectivement, ses cheveux avaient poussé.

Depuis mon arrivée dans la capitale internationale magique, je ne cessais de m’émerveiller chaque jour un peu plus de cette dernière, notamment lorsque j’avais l’occasion de m’aventurer dans les différents quartiers. Les fondateurs s’étaient bien appliqués à recréer les décors des quatre coins du monde. N’ayant pas eu forcément l’occasion de beaucoup voyager en dehors des frontières asiatiques, sauf pour une petite escapade secrète aux États-Unis avec quelques amis, j’appréciais de pouvoir contempler une architecture bien différente de celle à laquelle je m’étais habituée. Je n’avais malheureusement pas eu le temps de visiter chaque coin de Wincap, trop prise entre les cours et d’autres affaires plus personnelles. Dans tous les cas, il s’agissait de la première fois que je me retrouvais dans le quartier que l’on disait être imaginé par les délégations africaines ayant pris part à la construction de la capitale. On l’appelait « Alihosty’s Area », et l’atmosphère qui y régnait était résolument différente de ce que j’avais pu précédemment visiter. Certains m’avaient mis en garde concernant les mauvaises fréquentations qui s’y trouvaient, mais cela m’importait bien peu. Après tout, j’étais tout à fait capable de me défendre, et ce n’était pas comme si j’étais venue pour m’aventurer dans de sombres ruelles désertes.

Un tout autre dessein avait guidé mes pas dans ce coin de Wincap, plus précisément, un jeune homme en particulier. J’avais été surprise de recevoir un hibou de ce dernier, m’annonçant son arrivée dans la capitale ; surprise, mais ravie. Kyu Jin Song était le grand frère de l’une de mes proches amies, Suk Hee. Ce n’était toutefois pas grâce à elle que je l’avais rencontré, mais par pur hasard, au détour de l’un des couloirs de l’école coréenne de sorcellerie, Sinseonghan Jolyu. Les agressions des sangs-purs à l’encontre les élèves relativement faibles ou les nés-moldus n’étaient pas rares, et c’était dans ces circonstances que j’avais eu l’occasion de le rencontrer. Ayant pris de l’assurance grâce à Suk Hee, je m’étais retrouvée à le protéger,  et ce malgré mon statut de sang-pur. Quant bien même le sang n’avait jamais réellement eu une réelle importance pour moi, j’avais eu un peu de mal à m’opposer à ce type de situation, de part mon éducation et de l’image que je devais rendre de moi-même. J’étais bien heureuse d’être tombée sur une amie comme Suk Hee, car c’était sûrement en partie grâce à elle que j’avais pu trouver l’impulsion qui me manquait pour intervenir. Bien que la réaction de Kyu Jin fut au départ bien loin de montrer de la gratitude, étant plutôt bornée, j’avais réussi à en faire l’un de mes amis.

C’était donc pour le rencontrer que je m’étais retrouvée dans ce quartier coloré de la ville. Nous avions convenus que je vienne le rejoindre à son lieu de travail, une boutique du nom de « Treasure House’s Colifata ». D’après les informations que j’avais pu trouver, le propriétaire de l’enseigne n’était autre qu’Eduardo Colifata, un sorcier relativement connu dans le monde des potions. Ce n’était pas un endroit où je comptais me rendre dans l’immédiat, voire peut-être pas du tout. Je ne suivais plus le cours de Potions depuis quelques années déjà, cette matière étant tout à fait inutile dans le cursus que j’avais entrepris. Bien entendu, il me restait quelques ingrédients quelque part, au cas où j’en ai besoin un jour. Cependant, les potions et les ingrédients magiques ne faisaient plus partis de mon quotidien. En revanche, je savais que Kyu Jin était devenu chercheur en Sorts, Potions et Ingrédients Magiques. Le fait qu’il ait pu trouver un travail à Wincap m’avait grandement ravie d’ailleurs. En revanche, ce qui m’avait moins enchanté avait été entendre la pauvre Suk Hee se sentir coupable de l’avoir laissé en Corée du Sud pour venir vivre ici. Il était même allé jusqu’à refuser de se faire opérer pour remédier à son handicap. Je n’aimais sûrement pas voir Suk Hee dans un tel état, d’autant plus qu’elle avait tout à fait le droit de vivre sa vie comme elle l’entendait. Je comptais bien exprimer le fond de ma pensée au jeune homme, dont le handicap et la différence d’âge ne m’empêchaient résolument pas de lui parler sur le ton sur lequel il me plaisait.

En raison de mon désastreux sens de l’orientation, j’étais partie du dortoir de l’université un peu plus tôt, afin d’éviter d’être en retard (ce que j’étais bien souvent ces temps-ci malheureusement !). Par ailleurs, j’étais certaine que j’allais prendre mon temps pour observer les endroits qui retiendraient éventuellement mon attention. C’était le cas du zoo de Wincap. Apercevoir des créatures magiques par-dessus le grillage du parc de m’avait aucunement suffi, et je comptais bien revenir rapidement pour y faire un tour. Après des détours inutiles par des rues inconnues, je finis par repérer le lieu du rendez-vous. Je m’y dirigeais d’un pas assuré, soucieuse de ne pas rater l’heure de notre rencontre. Par la même occasion, je manquais de bousculer quelques personnes au passage, tout comme d’autres personnes ne manquèrent pas de le faire. Tous semblaient si pressés et occupés, et faisaient ainsi abstraction de ce qui les entouraient. Je pressais un peu plus le pas afin d’échapper à l’agitation ambiante.

Je n’avais pas à partir à la recherche du jeune homme, puisque je finis par remarquer qu’il m’attendait à l’entrée de la boutique, dans l’encadrement de la porte. Il se redressa en me remarquant, passant les mains dans ses poches. À première vue, Kyu Jin ne semblait pas avoir changé. Je lui adressais un sourire radieux, vraiment heureuse de le revoir. Mes remontrances pouvaient bien attendre un peu. « Bonjour Kyu Jin ! » répondis-je avec entrain à sa salutation hésitante. Je réajustais légèrement ma veste, et recoiffais un peu mes cheveux en passant ma main dans ceux-ci d’un geste bien familier. Le jeune homme me demanda  calmement comment j’allais, avant de lever les yeux au ciel. Il finit par ajouter dans un soupir que j’avais changé, faisant remarquer que mes cheveux avaient poussé. Ses paroles achevèrent de m’arracher un nouveau sourire, suivi presqu’immédiatement par un éclat de rire. Non, définitivement, il n’avait pas changé. « Je ne sais pas si j’ai effectivement changé, mais effectivement mes cheveux sont un peu plus long » finis-je par dire. « En revanche, tu ne sembles pas avoir changé toi ! Enfin… Tu n’aurais pas pris encore quelques centimètres par hasard ? » demandais-je en fronçant légèrement les sourcils, mesurant notre différence de taille approximativement avec ma main. Je soupirais de manière théâtrale, l’air résignée. Kyu Jin devait bien faire au moins une tête de plus que moi, et même s’il avait brusquement une poussée de croissance, je ne serais sûrement pas la première à le remarquer. « Pour répondre à ta première question, je vais très bien ! Je m’habitue petit à petit à la vie à Wincap, et ça me plaît bien ! Et toi, comment ça va ? Ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vu ! » l’interrogeais-je à mon tour, également curieuse d’en savoir plus à son sujet, ou plutôt, d’en savoir plus de sa bouche, bien que Suk Hee n’ait pas manqué de me donner des nouvelles de son grand frère.

HS:

I am a man ❦
ft : Aika

La boutique où il travaillait à présent donnait dans une rue peu fréquentée, seuls quelques habitués de la ville et fanatiques de potions en tous genres savaient où trouver la célèbre enseigne, les voyageurs quant à eux devaient se perdre facilement dans ce dédale coloré. Entre les maisons typiques de l'architecture kabyle et l'immense zoo magique, pas facile de savoir de ne pas se laisser entrainer par la curiosité que provoquait ce quartier. Voilà pourquoi Kyu Jin fut quelque peu surpris de l'arrivée, en avance, d'Aika. Il n'était pas dans les habitudes de la sorcière de se montrer à l'heure, elle avait souvent quelques minutes de retard, ce qui avait le don d'agacer sérieusement le coréen. Elle devait avoir fait un gros effort pour ne pas le froisser pour  leur première rencontre, première rencontre depuis un bout de temps déjà, d'où le fait qu'il la trouve changée Et pour ce qu'il pouvait voir en ce moment, en mieux. Il répondit à son sourire par un léger mouvement des lèvres, bien qu'à l'aise avec elle, il ne s'accommodait toujours pas à agir de manière totalement naturelle avec qui que ce soit d'autre que sa sœur, chose qui pouvait s'avérer être un désavantage de temps à autres. Il se détendit légèrement en voyant la bouche de la jeune fille s'ouvrir pour laisser s'échapper un rire, du moins, de ce qu'il pouvait voir.

Ce qui était très appréciable chez Aika, c'était la manière dont elle agrémentait toujours ses paroles de mouvements plus explicites les uns que les autres, ce qui aidait franchement Kyu Jin à se repérer pour comprendre le ton qu'elle prenait, lire sur les lèvres n'était absolument pas de tout repos, alors un peu d'aide de son interlocuteur était toujours la bienvenue. Il eu un léger sourire lorsqu'elle lui fit remarqué sa taille. En effet, il était plus grand que la moyenne des coréens, du haut de ses un mètre soixante-dix-huit, il ne passait pas inaperçu malgré son physique plutôt menu. Sa taille pouvait être un de ses plus grands atouts, en plus de son joli minois, alors pourquoi ne pas s'en sentir fier ? « Je peux prendre ça comme un compliment, je suppose ? Et.. » Il se rapprocha légèrement d'elle de façon à la surplomber « Il n'est pas spécialement difficile d'être plus grand que toi, Aika. » Dit-il d'un ton qu'il imaginait moqueur, bien que sans offense pour la jolie étudiante qu'elle était. Il se recula pour reprendre sa place initiale. Leur relation était assez spéciale, bien que toujours très amicale, la sang-pure ne se gênait absolument pas pour lui dire ses quatre vérités si besoin, c'est en cela qu'elle faisait partie de ce nombre très restreint de personnes qui lui permettaient d'oublier sa différence.

Le soleil de fin d'après-midi pointait le bout de son nez dans la ruelle, faisant ressortir le côté chaleureux de l'endroit. Les quelques habitations qui s'y trouvaient commençaient à se remplir de leurs propriétaires, et l'agitation de la soirée n'allait pas tarder à faire son apparition. Une famille passa près d'eux, revenant surement du zoo. Les enfants étaient couverts de boue et la mère de famille était en train de râler face à la montagne de lessive qui l'attendait, tandis que son mari essayait de raisonner les garnements qui s'essuyaient l'un sur l'autre. Scène attendrissante.

« Je vais bien. » Il enleva les mains de ses poches « Je ne suis arrivé qu'hier, donc je n'ai pas encore fait le tour de Wincap, mais de ce que j'ai vu pour l'instant.. C'est assez.. Différent. Différent de la Corée. » Il marqua une pause en observant un groupe d'enfants mattes de peau se mettre à courir pour savoir qui arriverait le premier à la fin de la rue, n'hésitant pas à se pousser et à se faire tomber les uns les autres, ceci devant un banc où quelques personnes-âgées venaient de s’assoir et profitait du spectacle que la jeunesse leur offrait. Pas sûr que vous puissiez voir cela très souvent dans son pays natal. Les enfants restent des enfants, bien sûr, mais peu d'entre eux sont autorisés à faire autant de bruit et à s'agiter dans la rue, surtout devant des anciens. « Wincap tient bien son nom de capitale, dans tous les cas, c'est enrichissant.. Et parfait pour un nouveau départ, n'est-ce pas ? » Il passa une main autour de son pendentif et le rentra discrètement sans son col, les mains libres, il savait qu'il n'arrêtait jamais de tripoter le charme lorsqu'il parlait. Et ça ne faisait qu'attirer l'attention de celui ou celle à qui il parlait, il préférait donc éviter chaque action qui pouvait mener au sujet de son handicap.

« Ça fait longtemps en effet.. D'où la raison qui m'a poussé à venir. Je suppose que tu as déjà vu Suk Hee depuis que tu as emménagé ? D'ailleurs comme je te l'ai fait savoir, elle ne sait pas que je suis ici pour le moment, je peux compter sur ton silence ? » Il posa cette question tout en connaissant la réponse évidente, bien sûr qu'elle allait garder ce secret, elle n'avait aucun intérêt à le divulguer, mais il tenait à s'en assurer. Kisuk et lui était en train d'organiser cet évènement et tout allait être prêt d'ici peu, et honnêtement, Kyu Jin était plus qu'impatient à l'idée de voir et serrer dans ses bras sa petite sœur. Cela faisait quelques mois qu'il n'avait pas eu l'occasion de le faire et elle lui manquait terriblement. En partant elle avait laissé un vide derrière elle et il avait plus que mal vécu cette absence, cet abandon comme il l'avait bien souvent qualifié de façon à lui faire comprendre sa pensée.

Le jeune homme se décala légèrement afin de rentrer dans l'échoppe « Je propose que l'on rentre, on sera bien plus à l'aise à l'intérieur pour discuter. » Il intima la direction à son invitée. Les rayons du soleil passaient à travers les petites fenêtres, se reflétant sur les pots et autres fioles qui trônaient sur les étagères. Une ambiance bien moins inquiétante que lorsque la nuit faisait son apparition, cette atmosphère en devenait presque chaleureuse. Il se hissa sur le comptoir, et s'y assit « Alors.. Tu étudies toujours, pour devenir avocate si je ne me trompe pas ? Comment ça se passe, ici ? » Demanda-t-il une fois installé. Il savait que la jeune fille ne supportait pas l'injustice, elle le lui avait montrer maintes fois, donc il ne fut pas spécialement surpris de savoir qu'elle voulait devenir avocate d'ailleurs elle devait surement exceller dans son cursus. Sa question faisait plutôt référence à son opinion par rapport à l'université, si tout se passait bien avec sa classe et s'il n'y avait pas eu de changement majeur de direction dans sa vie.

Spoiler:

J’étais tout à fait enchantée de retrouver Kyu Jin. J’étais encore plus ravie du fait qu’il ne me semblait pas qu’il ait radicalement changé. D’ailleurs, je remarquais parfaitement que le jeune homme faisait beaucoup d’efforts pour paraître plus sociables avec moi, ce dont je le remerciais intérieurement. Bien sûr, il m’était aisé de parler toute seule, j’étais habituée aux monologues en compagnie de Caramel. Toutefois, ce n’était sûrement pas pour parler uniquement de ma personne que j’étais venue voir le coréen, mais pour ce dernier, ainsi que pour Suk Hee (bien qu’elle ne me l’ait aucunement demandé). J’attendais simplement le bon moment pour aborder le sujet, puisque, malgré mon fort caractère, il me restait tout de même un peu de tact. Inutile de lui faire la morale dès les premières secondes de notre rencontre.

Lorsque le coréen réduit les quelques centimètres qui nous séparaient l’un de l’autre, je pus effectivement confirmer à nouveau qu’il était toujours aussi grand. Je soupirais silencieusement, me sentant encore plus petite de part cette proximité. De plus, je m’appliquais à lui accorder un sombre regard lorsqu’il fit remarquer qu’il n’était pas spécialement difficile d’être plus grand que moi, et cela avec un ton un brin moqueur. « C’est ça, rigole grande perche » répliquais-je sur le même ton en lui donnant une légère tape sur l’épaule, avant de sourire à nouveau. Je savais bien qu’il ne souhaitait pas m’offenser. À vrai dire, il était plutôt difficile de le faire concernant ce point, sachant que j’étais tout à fait consciente de ne pas avoir la taille d’un top model. Si je n’avais pas été élevée entourée de nombreux garçons, j’aurais pu être éventuellement gênée de notre proximité physique. Mais ce n’était aucunement le cas, ce qui avait tendance à exaspérer mon frère jumeau, qui aurait souhaité que je sois plus méfiante à l’égard des hommes. Tout comme cette proximité de me dérangeait aucunement, le fait que le coréen fixe mes lèvres pour comprendre mes paroles ne me posait également pas de problèmes. D’ailleurs, je le connaissais depuis assez longtemps pour ne plus y prêter attention également. Kyu Jin finit par se reculer afin de reprendre sa place initiale.

Il semblait légèrement absorbé dans la contemplation des environs, ce que je comprenais tout à fait puisqu’il mentionna le fait qu’il n’était arrivé que la veille. Le jeune homme ajouta que l’endroit était résolument différent de la Corée. J’acquiesçais, tout à fait d’accord avec lui. Par ailleurs, cela devait être un d’autant plus grand changement qu’il n’avait jamais quitté son pays d’origine avant. Contrairement à lui, balancée entre mes origines coréennes et japonaises, j’avais eu l’opportunité de connaître le meilleur des deux mondes. Par ailleurs, j’avais également profité du fait d’obtenir mon permis de transplanage l’année précédente le temps d’une escapade aux États-Unis en compagnie de quelques amis. Toutefois, il n’en restait pas moins que, comme ajouta le jeune homme, Wincap tenait bien son rôle de capitale, et parfaite pour un nouveau départ. « J’imagine que c’est effectivement que c’est le lieu idéal pour un nouveau départ » répondis-je, légèrement pensive, « bien que ce ne soit pas la raison qui m’a poussé à venir vivre ici. » Les raisons, car il y en avait plusieurs, étaient résolument liées à ma famille. Depuis que j’étais arrivée, je me sentais comme un poisson dans l’eau, plus qu’heureuse de n’avoir de compte à rendre à personne, et surtout de ne pas avoir à supporter la présence de ma grand-mère. La liberté que j’avais pu connaître avant n’était en réalité qu’un aperçu de ce qu’elle était réellement, et je ne pouvais qu’être enchantée d’en profiter. « Je suis certaine que tu auras tout le temps de visiter la capitale ! » rassurais-je le coréen, avec un clin d’œil, « je n’ai moi-même pas encore eu le temps de visiter tous les quartiers de la ville ! C’est d’ailleurs la première fois que je mets les pieds l’Alihosty’s area. Ça m’a l’air d’être un quartier tout à fait sympathique… pendant la journée. On m’a conseillé de l’éviter lorsqu’il fait sombre en revanche. » J’estimais que le jeune homme devait prendre connaissance de tous les aspects de l’endroit où il allait travailler dans le futur, les bons et les mauvais compris. Je soupirais légèrement, en passant une main dans mes cheveux. « Il est clair que chaque ville a sa part d’ombre, qu’elle soit nouvelle ou ancienne » ajoutais-je avec un triste sourire. J’observais le jeune homme du coin de l’œil, tandis qu’il rentrait discrètement son pendentif dans son col. J’avais remarqué qu’il ne pouvait s’empêcher de le toucher, mais je n’en dis pas un mot.

Kyu Jin mentionna finalement sa petite sœur, qui était également mon amie. Comme il me l’avait déjà dit, il souhaitait garder son arrivée secrète à cette dernière, afin de lui faire une surprise. « Effectivement, j’ai déjà eu l’occasion de voir Suk Hee » confirmais-je avec un fin sourire. Je me mordis la lèvre inférieure, me retenant d’ajouter quoique ce soit, pour le moment. « Ne t’en fais pas, je ne lui dirais rien sur ton arrivée à Wincap, Kyu Jin » l’assurais-je une énième fois. Je comprenais parfaitement que le souhait du coréen à surprendre sa sœur, et ce n’était pas moi qui allait le priver du bonheur de la retrouver dans ces conditions.

Se décalant un peu afin de rentrer dans son lieu de travail, le jeune homme m’invita également à entrer, trouvant que nous serions plus à l’aise à l’intérieur afin de discuter. J’acceptais avec un sourire, et suivis ses pas, faisant attention de ne pas faire de mouvements brusques pour éviter de briser quelque chose en chemin. Je ne souhaitais pas lui attirer d’ennuis lors de sa première journée de travail. Des ingrédients magiques, des fioles et autres récipients, s’alignaient sur les nombreuses étagères de la boutique. Je ne pus m’empêcher de me sentir un brin nostalgique à la vue de tous ces objets. La dernière fois que j’en avais eu l’utilité remontait à l’époque où j’étudiais encore à Sinseonghan, l’école de sorcellerie coréenne. Étant une excellente élève, je ne manquais pas de préparer parfaitement tout ce que l’enseignant en Potions nous demandait alors. Il s’agissait de l’une des matières que je regrettais de ne plus suivre à présent. En somme, l’endroit semblait relativement accueillant. « J’imaginais cet endroit plutôt comme une sorte de caverne sombre et inquiétante » dis-je avec un petit rire, alors que Kyu Jin s’installait sur le comptoir, « mais c’est plutôt… charmant. » Et magique. Mais je n’avais pas besoin de le dire à haute voix pour m’en rendre compte. Par ailleurs, en raison de la chaleur ambiante, je décidais de retirer ma veste.

Le jeune homme s’enquit de mes études, se demandant comment elles se déroulaient ici, à Wincap. « Je n’ai toujours pas changé de choix en ce qui concerne ma vocation future » confirmais-je avec un sourire. « Mes études d’avocate se passent bien. Les enseignants sont vraiment compétents et intéressants, et le fait qu’on passe trois semaines par mois dans une structure d’accueil me plaît grandement ! Ça nous donne l’occasion de voir comment ça se passe en vrai. » Je ne regrettais absolument pas d’avoir organisé mon transfert à Heartwood University. Bien que nerveuse du fait de me retrouver dans une nouvelle université, avec de nouveaux professeurs et de nouveaux camarades, cette sensation s’était bien vite estompée. Je m’étais habituée à ma vie sur le campus.

Je n’étais pas d’une nature très patiente, de même que je ne tournais jamais autour du pot. Je décidais donc d’aborder un sujet qui n’était définitivement pas aussi joyeux que notre rencontre. « Comme je te l’ai dit, j’ai déjà vu Suk Hee à Wincap. On a eu beaucoup de sujets de conversation évidemment, tu sais comment sont les filles. » Je fis une pause. Je relevais les yeux, plongeant mon regard dans celui de Kyu Jin. « Elle se sent coupable d’être partie, et particulièrement de t’avoir laissé en Corée du Sud. Tu peux m’expliquer pourquoi elle se sent aussi mal ? Je suppose que tu y es pour quelque chose, je me trompe ? » demandais-je d’un ton ferme, le visage impassible. Je n’avais pas à lui demander pour connaître la réponse : évidemment qu’il y était pour quelque chose ! Cependant, je ne pouvais rester assise les bras croisés à regarder l’une de mes plus proches amies se ronger les sangs au sujet de sa décision de rejoindre la capitale internationale.

HS:

I am a man ❦
ft : Aika

Les contacts physiques n'avaient jamais été une partie de plaisir pour lui. De par la perte de son ouïe, ses autres sens, dont le toucher, s'étaient développés et sa sensibilité en avait fait de même. Il ressentait la présence des personnes dans son dos et si quelqu'un se trouvait juste à côté de lui, il frissonnait. Autant dire que cette sensation n'était pas la meilleure qu'il pouvait éprouver. Il avait appris à se tenir lorsqu'il était entouré et à ne pas rester dans son coin comme un asocial, il avait cependant toujours du mal avec les contacts amicaux s'ils ne venaient pas avec de sa sœur. Bien entendu il ne se plaignait pas à cause d'une tape amicale ou d'une accolade, du moment qu'il connaissait assez bien la personne. Hors de question qu'un inconnu pose sa main sur lui. C'était assez délicat d'ailleurs d'instaurer cette distance alors qu'il passait la conversation à fixer les lèvres de son interlocuteur, hors c'était mieux que d'utiliser la langue des signes.

Pour être franc, Kyu Jin était assez pressé de visiter la capitale. Le fait de rencontrer tout à coup de nouvelles cultures lui avait certes fait un choc, mais avait aussi aiguisé sa curiosité. Le monde Africain était une totale découverte, autant au niveau des personnes qu'au niveau de la culture. Bien sûr pour le moment il n'avait eu le temps que d'observer rapidement l'architecture et le mœurs des gens. Cependant, l'agencement des bâtiments en disait souvent beaucoup sur le peuple qui l'avait construit. Il était aisé de comprendre que le contact avec la nature était une clé essentielle de leur design, d'où la forme « organique » que prenait certaines maisons. Une aura chaleureuse s'en dégageait, les portes des habitations étaient souvent ouvertes à quiconque venait quémander un renseignement, aussi pouvait-on voir de nombreux adultes qui ne se regroupaient non pas dans un café ou un bar, mais plutôt chez l'un ou l'autre, dans le salon ou sur le pallier. Cette transition entre l'intérieur et l'extérieur restait assez surprenante pour un coréen qui n'avait vécu que dans la ville et n'avait jamais vraiment visité d'autres endroits. Pour lui, la sécurité passait par la technologie des appartements ou le système d'alarme d'une villa, ici plus on était proche de son voisin, plus on était loin du danger. Les populations de ce continent avaient d'ailleurs un concept de l'intimité qui échappait au jeune homme. De ce qu'il avait pu apercevoir et lire sur le quartier, seule la chambre était un espace clos, lieu de repos et méditation où le calme devait régner.

Sortant de sa rêverie, le coréen haussa un sourcil face à la déclaration d'Aika. La plupart des sorciers venus ici avaient pour but de se reconstruire, d'écrire un chapitre neuf sur leur vie et donc de prendre un départ sain. Ce n'était donc pas son cas à elle. Il plaça cette information dans un coin de sa mémoire, se rappelant de lui demander de plus amples informations sur son départ de Corée, une fois qu'ils auraient suffisamment repris contact pour ne pas paraitre trop indiscret. « Oui, d'après ce que j'ai compris, le quartier n'est pas sûr une fois la nuit tombée. Cependant, je suppose qu'il suffit de faire attention pour ne pas s'attirer d'ennuis. » Acquiesça-t-il en observant Aika. Elle n'avait, sinon son côté mature et ses cheveux, pas tellement changé. Sa manie de jouer avec ses cheveux était toujours la même, ainsi que son regard souriant, rarement il avait eu la possibilité de voir cet éclat disparaitre.

Il remercia l'étudiante d'un léger sourire. Il avait remarqué la façon dont-elle avait mordu sa lèvre, comme pour s'empêcher de dire quelque chose, il passa outre, supposant que sa sœur et elle devait avoir eu quelques conversations ensemble dont-elle ne pouvait pas parler en présence du frère de son amie. Il haussa ses épaules, du moment qu'elle n'aidait pas Suk Hee à s'enticher d'un garçon, ce n'était pas ses affaires.

Kyu Jin avait eu longtemps la réputation d'un sorcier plutôt solitaire seulement entouré de ses potions et enchantements, coincé dans son monde sans aucun bruit. Les potionistes donnaient souvent cette impression de scientifiques fous, toujours dans leur laboratoire à préparer on ne savait quelles mixtures sans autoriser quiconque à mettre un pied dans leur sanctuaire. Ainsi, les boutiques où ils allaient se ravitailler étaient, pour les autres sorciers, juste des endroits obscurs et angoissants tels des cachots où tous ces malades se retrouvaient pour échanger leurs secrets. Il avait donc l'habitude de ce genre de commentaires à propos de ce stéréotype.. Qui malgré tout était en fait fondé. Par exemple, la boutique que le jeune homme avait visité de nombreuses fois dans son pays avait quelque peu une aura.. Menaçante de par les gargouilles, les étagères foncées de poussière et les nombreuses toiles d’araignées qui avaient pris leur place sur les fenêtres et barré l'accès aux rayons du soleil. D'où cette atmosphère moite et froide qui en émanait. « Je suppose que Colifata a compris que pour faire du profit il ne fallait pas seulement attirer les rats de laboratoires et autres personnages glauques.. Mais que ce soit assez plaisant à visiter pour les touristes. C'est la capitale, il faut que les boutiques fassent bonne impression. » Il observa attentivement les couleurs orangées se répercuter sur les murs de pierres. « Ce ne doit cependant pas avoir la même ambiance une fois la nuit tombée. » Déclara-t-il, pensant à rester plus tard que la fermeture afin de vérifier ses dires, les échoppes de potions avaient souvent des secrets à révéler lorsque le soleil se couchait.

« C'est une bonne chose » Kyu Jin n'avait pas spécialement l'habitude de faire de nombreux compliments, il fixait toujours les lèvres de son interlocutrice. Il était en effet plutôt heureux pour elle, si elle ne regrettait pas son choix, tant mieux. En un sens cela le rassurait ; aussi bien sûr sa propre décision que sur celle de sa sœur. Elle aussi était partie de l'école en Corée sans vraiment connaître la capitale et avait même changé son cursus, de savoir qu'elle avait pu retrouver Aika apaisait ses craintes. Il allait lui poser une dernière question, savoir si son « alternance » allait bientôt commencer et par quel genre d'affaire elle allait commencer, seulement il fut coupé dans son élan par l'expression contrariée d'Aika. Il avait remarqué la sorte d'impatiente qui semblait l'agiter, mais il avait simplement mis cela sur le compte de sa journée qui pouvait avoir pu être assez stressante. Etudier n'était pas souvent de tout repos, il était bien placé pour le savoir.

Le coréen fronça ses sourcils à l'entente de l'accusation sous-entendue qu'il venait de recevoir. Bien entendu, dit comme cela, il ressemblait à un horrible grand frère qui ne pouvait pas vivre sans sa sœur partie loin de lui, l'abandonnant seul alors qu'elle avait toujours été là pour lui. Et bien, cela le décrivait assez bien finalement. Il finit par hausser ses épaules, ce n'était pas un secret : il était possessif. Il se doutait d'ailleurs que Suk Hee en avait parlé à son amie, il n'en était pas plus surpris que ça. Mais le fait qu'elle avait abordé le sujet aussi vite était assez déconcertant. « Elle est ma sœur, elle a fait le choix de partir de la maison familiale, c'est sa vie et elle l'a prise en main.. En attendant elle devait simplement en assumer les conséquences. » Il marqua une pause. Cela pouvait sembler un peu brut comme formulation mais il n'essayait pas de faire dans la dentelle, surtout avec Aika. « Nous avons toujours vécu ensemble, comment penses-tu que je devais réagir ? » Il passa une main autour de son cou avant de fixer à nouveau l'étudiante. « Sachant la nature de ton sang, ça n'a pas dû être très facile pour ta famille aussi, de te laisser partir, n'est-ce pas ? » Questionna-t-il, renvoyant en quelque sorte la balle dans le camp de son « adversaire ». Un point partout.

HRP:

Discuter avec le coréen était toujours un plaisir. Bien que Kyu Jin ne soit pas aussi bavard que je l’étais (personne ne l’était, à vrai dire), il n’en restait pas moins que j’appréciais réellement le fait de pouvoir m’entretenir avec lui sur divers sujets. Cependant, un certain ressentiment à son égard m’empêchait de continuer à tenir une conversation plus ou moins tranquille en sa compagnie. De part mon caractère fort, il m’était difficile de faire comme si de rien n’était, comme si je n’avais pas encore rencontré mon amie Suk Hee, comme si je n’avais pas vu son visage se décomposer en raison de la tristesse et de la culpabilité qu’elle pouvait ressentir à l’égard de son frère aîné. La voir ainsi me brisait littéralement le cœur, elle qui était d’habitude si enjouée et radieuse. Il était évident qu’en apprenant que Kyu Jin rejoignait à son tour la capitale, je ne pouvais que sauter sur l’occasion. Comme cette très proche amie, que je considérais presque comme une véritable grande sœur, m’avait aidée, je souhaitais résolument en faire de même à mon tour, même si cela signifiait que je devais me montrer ferme avec son grand frère. Peu m’importait que ce dernier soit de trois ans mon aîné, car son comportement envers sa propre sœur ne montrait définitivement pas qu’il y avait une différence d’âge entre nous deux.

Toujours aussi mécontente, je continuais à le toiser sans ciller, en attendant que le jeune homme daigne enfin me donner des explications sur ses actions. Je croisais mes bras sur la poitrine, lui signalant par la même qu’il avait vraiment intérêt à en avoir de bonnes. D’habitude de nature enjouée, il était très simple de remarquer un changement de comportement chez moi. Il suffisait simplement que la joie que j’affichais toujours sans aucun soucis disparaisse de mon visage pour que mon interlocuteur se rende compte que quelque chose ne tournait pas rond. Il lui restait alors quelques secondes à peine pour trouver la raison de ce changement, le temps que je fasse part de ce qui me dérangeait. Puis, l’individu en question devait trouver un argument suffisamment convaincant pour que j’évite de continuer sur ce point. Après tout, j’étais bien connue être particulièrement bornée. En l’occurrence, je n’avais pas attendu que nous ayons terminé de nous entretenir sur la pluie et le beau temps pour lui assener mon accusation. Face à cette dernière, le jeune homme ne put que froncer les sourcils dans un premier temps. Je continuais de le fixer, tout à fait impassible. Je ne pouvais qu’attendre. Kyu Jin savait parfaitement qu’il fallait éviter de tourner autour du pot avec moi, et c’est pour cette raison que je m’attendais à ce que lui aussi entre directement dans le vif du sujet.

Il s’agissait de sa sœur, elle avait fait le choix de partir et avait décidé de prendre sa vie en main, disait-il, mais elle devait en assumer les conséquences. Le jeune homme choisit de prendre un instant, avant de continuer sur sa lancée. Ils avaient toujours vécu ensemble, me demandant par la même comment je pensais que lui aurait dû réagir dans le cas en question. Je haussais les sourcils, bien peu impressionnée par ce qui me parut être un raisonnement empli de faiblesses. « Assumer les conséquences de son départ ? » répétais-je d’un ton condescendant, accentué par un petit rire bien peu amusé. « Je comprends tout à fait qu’elle ait pu te manquer, d’autant plus que, comme tu l’as dit, vous avez toujours vécu ensemble. Mais la faire culpabiliser autant pour son départ ? Je ne pense pas que ce soit la manière la réaction la plus appropriée. Tu aurais dû l’encourager à prendre son envol, la soutenir, même à distance ! » Je soufflais un instant, quelque peu emportée par les émotions. Je passais une main sur mon visage, tentant de m’apaiser rien qu’un peu. Mais il était difficile de m’arrêter lorsque j’avais commencé. « Je ne sais pas si tu l’as oublié, Kyu Jin » repris-je tout aussi fermement, « mais tu es son grand frère, et pas l’inverse. Tu pensais qu’elle allait rester en Corée pour te materner jusqu’à tes vieux jours ? Grandis un peu ! Toi aussi, tu devrais prendre ta vie en main, et arrêter tes caprices avec Suk Hee. » J’allais le regretter. Lorsque je retournerais dans ma petite chambre étudiante, et que je ressasserais inutilement chaque instant de cette conversation, j’allais regretter d’être aussi directe avec le coréen. Mais pour le moment, ce sentiment ne pouvait absolument pas me stopper. « Et lorsqu’elle trouvera la personne avec qui passer sa vie, parce que Suk Hee trouvera quelqu’un de merveilleux, j’en suis certaine, tu continueras de faire l’enfant, pour qu’elle se sente mal pour cela aussi ? » Ce serait sûrement le cas, vu comment le jeune homme avait vu d’un mauvais œil les précédentes fréquentations de sa jeune sœur. Ce que je savais de ma propre expérience, c’était qu’il était tout à fait inutile d’espérer qu’un grand frère ne soit pas protecteur. Yano l’avait été, et il avait gâché nombre de mes relations à Sinseonghan. Pour le mieux ou non, il avait aujourd’hui compris qu’il ne devait pas s’immiscer dans ce genre d’affaire personnelles, sauf lorsque la relation tournait mal. Dans ce cas-là, j’étais tout à fait heureuse de l’avoir à mes côtés pour botter le derrière de la personne en question. Toutefois, jamais il n’était allé jusqu’à me faire des reproches à ce sujet. La réciproque était vrai : je ne lui faisais pas de scène parce qu’il passait plus de temps en compagnie de Ki Suk qu’avec moi.

Kyu Jin n’en avait pas terminé. Au vu de mon statut de sang-pur, il me fit par de la constatation selon laquelle cela n’avait pas dû être également évident pour ma famille de me laisser partir. Le jeune homme semblait plutôt satisfait de sa répartie. Quant à moi, je ne pus que lever les yeux aux ciels, relativement déconcertée. « Ce sont deux situations totalement différentes ! » répliquais-je, un brin agacée par cette interrogation de sa part. « Effectivement, j’ai eu du mal à convaincre mes parents de me laisser partir à Wincap. Mais une fois cette étape passée, est-ce que tu crois que les membres de ma famille s’amusent à me faire du chantage émotionnel, simplement parce que j’ai décidé de m’éloigner de la demeure familiale pour venir m’installer dans la capitale ? Non. Absolument pas ! Ce serait totalement absurde de le faire, surtout en voyant que j’ai définitivement pris cette décision. » C’était la vérité. Je recevais bien quelques hiboux de la part de quelques personnes, mais ceux que j’aimais le plus se trouvaient déjà dans la capitale. « Puisque tu en es à parler de ma famille, lorsque Yano a été renié et qu’il a dû quitter le domaine familial, est-ce que tu crois que je me suis amusée à le rendre malheureux ? » Ce n’était pas vraiment une question. Je secouais la tête de gauche à droite. D’ailleurs, contrairement à Kyu Jin, qui pouvait envoyer des hiboux à sa sœur tous les jours, je n’avais même pas pu garder le contact avec lui. Il faisait douter mon amie au sujet de sa décision, la rendant par la même malheureuse. Alors oui, j’étais un brin énervée.

Kyu Jin étant supprimé pour inactivité, tu peux demander tes points pour RP fini