Le 1er Novembre 1994, c'est non loin de Brest dans un manoir à flanc de falaise que j'ai vu le jour. Après avoir fait souffrir le dos de ma mère durant neuf mois, après lui avoir causé de douloureuses contractions sept heures durant, j'ai enfin poussé mon premier cri, hurlant à plein poumons. Naître le jour de la fête des morts, c'est plutôt ironique. A peine né, il semblerait que le bon dieu ait décidé que je serai un être cynique et désillusionné. Mes parents ne s'aiment pas. Ils n'ont pas de sentiments l'un pour l'autre. En posant ses yeux sur moi, mon père s'est contenté de sourire. Un garçon ? Parfait, j'assurerai la postérité du nom des De Sade, et il n'aura plus besoin de faire semblant de faire l'amour à cette femme qu'il avait simplement épouser pour faire bonne figure. Ma mère a décidé que je me nommerai Enguerrand. Enguerrand, un vieux prénom très populaire au moyen âge en France, un prénom d'origine Franque signifiant tribu du corbeau. On m'expliquera plus tard que c'est à cause de mes cheveux d'un brun profond et de ma peau blanche que l'on m'as affublé de ce drôle de nom. Un nom qui semble poussiéreux, presque farfelu. Un nom que l'on retrouve seulement dans de vieux livres d'Histoire. Et puisque ma mère adorait ce prénom, mon père l'a tout de suite détesté. Après neuf mois, mes parents n'étaient toujours pas d'accord sur mon prénom. C'est seulement après trois jours de négociations que celui-ci a fini par céder, acceptant que l'on m'appelle Enguerrand.

En venant me voir dans mon couffin, la famille a tout de suite prononcé son verdict : Je ressemblait bien plus à ma mère qu'à mon père. A part peut être pour ces deux grands yeux bleus, typiques aux De Sade depuis des générations. Savoir à qui ressemble le plus l'enfant, c'est une question de la plus haute importance pour les adultes. C'est toujours un mystère pour moi, comment peut on savoir face à un si petit être à peine né, de qui il tiens ses traits ? Pourtant la grande tante Murielle ne s'est pas trompée. « C'est votre portrait craché Clémentine ! Quel adorable petit garçon... Dommage, il n'a souri à personne pour l'instant. »

Des cheveux d'un noir profond, une peau blanche me donnant presque l'air malade et un corps chétif. Mon père blâmait ma mère :  « Cet enfant à l'air faible et malade. C'est parce que vous êtes trop frêle certainement, ma mère m'avait pourtant prévenu que vos hanches n'étaient pas assez larges. »  « Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, notre fils va merveilleusement bien. Il faut dire que naître, ça demande beaucoup d'efforts. Croyez moi, je suis certaine qu'il grandira bien. » Et en me souriant elle ajouta :  « Un enfant grandit toujours bien quand il est aimé. Et pour moi, tu est le plus beau cadeau qu'il soit Enguerrand... »

S'il y a bien une chose de la quelle je ne peut pas douter, c'est bien de l'amour de ma mère. Une femme douce, qui n'a pas hésité à quitter son métier de journaliste pour s'occuper de moi. Très tôt, on a dit de moi que mon esprit était vif. A tout juste deux ans, malgré quelques balbutiements hésitants j'étais capable de formuler une phrase plus ou moins cohérente, gazouillant de manière maladroite un mot me semblant amusant dans les livres que me lisait sans cesse ma mère. A quatre ans, j'étais capable de réciter la fable du corbeau et du renard de Jean de la Fontaine avec un air ahuri. « Cessez de lui lire de tels livres. Nous sommes des sorciers, et cet enfant ne doit pas être corrompu par votre passion de la littérature moldue ! » « Un bon livre est un bon livre. Peut importe qu'il ait été écrit par un sorcier ou par un moldu. » Face à un tel raisonnement, on aurait pu croire que je serait éduqué de manière très libérale. Et pourtant... Si l'on ne m'as jamais dit qu'il fallait détester les gens sans pouvoir et les renier, on m'as très tôt expliqué ma situation : « Nous sommes des sorciers, Enguerrand. Et c'est de notre devoir de ne pas nous mélanger à des moldus. Tu comprends ?... Ta fiancée sera une sorcière comme toi. Venant d'une famille comme la nôtre. Une famille avec seulement des sorciers. »

Parler d'amour à un enfant de sept ans est une drôle de chose. Épouser une sorcière ? A mon âge, je dis souvent que je n'aime pas les filles comme tous les petits garçons de mon âge, je préfère leur tirer les cheveux plutôt que de leur donner la main. J'aime courir dans le jardin, tomber et revenir les genoux en sang, pleurer dans les jupons de ma mère pour qu'elle soigne ce vilain bobo avec un bisou magique. J'aime sauter dans les flaques d'eau et tacher le tapis de l'entrée avec mes bottes boueuses. J'aime mettre mon ciré jaune et sortir rire sous la pluie. Les plaisirs simples de l'enfance, ce sont nos plus beaux moments. A cet âge là, on ne se soucie pas de grand chose. Sauf de l'amour de ses parents et des monstres sous le lit. Si je n'ai aucun doute concernant ma mère, je me demande parfois si mon père m'aime réellement. Il n'est pas impressionné, quand je lui annonce que je suis en train de lire un livre tout seul, un livre sans images avec pleins de mots compliqués. Il ne me sourit pratiquement jamais et se contente de soupirer et de me hurler dessus lorsque je m'avise de faire une bêtise.
Maman me dis souvent que s'il est ronchon, c'est à cause de son travail qui lui prends beaucoup de temps. Mais souvent le soir alors que je suis censé dormir, je les entends se disputer, puis maman pleurer... Je déteste quand maman pleure à cause de papa.


Papa pense que je n'ai pas de pouvoirs magiques. Il es certain que je suis comme mon vieil oncle, le Marquis de Sade, un Cracmol ayant rendu notre nom célèbre. J'ai vu un bleu sur la joue de maman. Elle m'as dit s'être fait ça en tombant, mais je sais qu'elle me ment pour me protéger. Je suis certain que c'est papa qui l'as frappée, ils se sont disputés bien plus fort que d'habitude hier soir. Je l'ai entendu hurler sur maman, lui dire que j'étais devenu cracmol à cause des écrivains moldus. Je ne suis pas bien certain qu'on puisse devenir cracmol. En fait, ça ne me semble pas logique. Si je suis cracmol, c'est que je suis né comme ça, et qu'on ne peut rien y faire. Cette idée m’angoisse terriblement, je n'ai pas envie d'être jeté à la rue, et de finir mes jours dans un asile comme le Marquis que les moldus croyaient fou à lier.

Les gens du village moldu m'appellent déjà Le petit Marquis. Je n'ai pas envie de devenir comme lui. Savoir que mon nom de famille a donner le mot sadisme me suffit à avoir la nausée. Non, je ne suis certainement pas comme lui. Bien trop délicat. S'il y a une chose dont je suis certain au fond de moi, c'est que je ne suis pas un cracmol. Je le sent, je le sait, sans autant pouvoir l'expliquer. Comment est-ce que je pourrais ne pas être un sorcier ? Pourquoi est-ce que je ne serai pas comme mes parents ?... Il n'y a pas de raisons. Il faut juste que je leur donne une preuve. Mais comment provoquer mes pouvoirs ?... D'ici un mois au maximum, nous serons fixés. D'ici un mois, je recevrai ou non ma lettre d'admission à Beauxbâtons. Si je ne suis pas un sorcier, elle n'arrivera jamais. Si j'en suis un, alors tout ira bien. Tout sera réglé.

Je préfère passer mes journées le nez dans un livre à étudier les créatures magiques et l'histoire. Je préfère la théorie à la pratique. De toute manière, serai-je seulement capable de me servir d'une baguette sans risquer de me crever un œil avec ?

Le verdict est tombé. Ma lettre est arrivée, et mon père s'est contenté de me gratifier d'un regard haineux. Je ne suis pas assez bien pour lui, j'en ai conscience. Savoir que son propre père ne vous aime pas est un sentiment étrange. Je n'ai même pas envie de faire d'efforts pour lui plaire. Je suis allé acheter mes fournitures scolaires hier en compagnie de ma mère. Elle était aussi enthousiaste que moi. J'ai un bel uniforme bleu ciel, que j'ai hâte de porter à la rentrée au mois de Septembre. J'ai même réussi à me faire acheter quelques livres complémentaires, pour étudier plus en détail certaines matières. Je n'ai pas encore le droit de me servir de ma baguette, alors pour le moment, Maman la garde sous clé, me permettant de parfois la prendre dans les mains quand je le lui demande. Inlassablement, je me plonge dans les livres de cours dans un silence quasi religieux, parfois jusqu'à tard dans la nuit. J'ai hâte de partir de la maison. De découvrir le monde, de connaître autre chose que ma Bretagne Natale. J'ai lu que Beauxbâtons est un endroit charmant, un château élégant, digne des plus grandes bâtisses moldues dans lesquelles ont vécu les rois autrefois. Vraiment, je suis certain que je me plairait là bas. Un château, c'est parfait pour un petit Marquis.


Beauxbâtons. L’excellence, l'élégance, le charme à la Française. Contrairement à d'autres élèves, je me suis très vite habitué aux règles de l'académie. Se lever quand un professeur entre me paraît être une chose normale. Les autres se moquent de moi « C'est normal pour un Marquis d'avoir un balai dans le cul ! Je l'ai même entendu vouvoyer ses parents et dire père, mère... Il est bizarre ce mec. » « C'est un aristo, c'est pour ça. » Je les entend rire à mon passage. Je suis poli. Mon uniforme est toujours mis correctement. Et surtout, les professeurs m'aiment bien à cause de mes bonnes notes. Parfois, l'idée de devenir comme eux pour ne plus être seul me traverse l'esprit. Mais bien vite, j'en viens à me dégoûter de moi même. Pourquoi me rabaisser à leur niveau ? Les gens devraient m'apprécier pour ce que je suis, et non pas pour ce que je pourrais feindre d'être.

Je suis Enguerrand de Sade. Celui qu'on appelle le petit Marquis par habitude, même si je n'en ai pas le titre. Celui qui est différent des autres. Celui qui au lieu d'apprécier les cours de vol feint d'être malade pour rester à l'infirmerie et se plonger dans un spleen Baudelairien. Celui qui se contente de passer la tête bien haute quand on l'insulte, celui qui fait comme s'il s'en fichait, comme s'il était au dessus de tout ça. Ceui qui fuit au maximum les activités en commun. Celui qui est toujours seul, celui qu'on finit par ne plus remarquer. Au bout de quelques mois, mes bourreaux ont finit par se lasser, et se trouver une autre victime à insulter et à bousculer. Leur montrer que ça ne vous atteint pas, c'est la meilleure chose que j'ai trouvé. Ne pas leur montrer ses faiblesses, serrer les dents et attendre que ça passe. Et surtout, ne pas pleurer. En rentrant chez moi pour les vacances scolaires, je me suis senti coupable de mentir à ma mère. D'inventer, de fabuler. D'affirmer que tout allait bien à Beauxbâtons. Mais je préfère la voir sourire naïvement. Moi, je me suis juré de ne jamais la faire pleurer, sauf de joie.

Les sortilèges et enchantements sont sans doute la matière où j'éprouve de la difficulté. Maîtriser une baguette d'Acacia n'est pas chose aisée. Les potions et l'astronomie ne me passionnent pas vraiment non plus, mais je fait mon maximum quoi qu'il en coûte. Même si j'aime voler sur un balai, je fuit les cours de vol en commun avec les autres élèves, de peur d'être moqué, raillé, ridiculisé, humilié voir même bousculer. Ce que j'aime beaucoup, ce sont les matières théoriques. Celles jugées difficiles, comme la métamorphose. Bien souvent, je suis premier de la classe, et j'arrive à arracher un sourire attendrit à notre vieille professeur sévère lorsqu'elle me rend une copie sur laquelle figure un O. J'aime aussi l'histoire de la magie, une matière bien souvent jugée ennuyeuse mais que je trouve passionnante. La défense contre les forces du mal peinent à m''intéresser véritablement. Qui pourrait bien s'en prendre à des enfants comme nous ? Quelle est la probabilité de croiser un loup garou sous sa forme lupine, lorsque l'on habite en ville ?... Pour moi, c'est une matière faite pour les paranoïaques. Je comprends l'intérêt de savoir se défendre face à des créatures telles que les strangulots ou les chaporouge. Mais face à un mage noir ?... Pourquoi donc ? La guerre est terminée depuis bien longtemps désormais. A l'âge de prendre des options, j'ai choisit de prendre soin aux créatures magiques ainsi qu'étude des runes. Des matières très intéressantes. Découvrir les créatures peuplant les campagnes sorcières est une chose fascinante. Quand aux runes, leur complexité m'interpelle. Je souhaite pouvoir les déchiffrer, et je n'ai de cesse de m'user les yeux sur d'énormes livres poussiéreux, afin de pratiquer ma compréhension de ces mystérieux symboles... Ce mystère me passionne tant que c'est à peu près à cet âge là que j'ai décidé que plus tard, je deviendrai chercheur/traducteur en langues.

1. Qu'est-ce qui parmi ces éléments est le plus important à votre bonheur ?
◘ Pouvoir partir à l'aventure et être en accord avec vos émotions.

J'espère être serin, un jour ou l'autre. Être en accord avec moi même, savoir exprimer mes sentiments haut et fort avec ma voix plutôt qu'avec des mots raturés sur un bout de parchemin. J'espère que mes écrits sauront un jour ou l'autre toucher les gens. J'aimerai être un poète, mais malheureusement ça ne paye pas les factures. Avoir un don pour les mots, c'est un comble quand même, quand on sait bien que j'suis pas fichu de parler à une fille qui me plaît. C'est d'ailleurs pour ça que je suis venu ici. J'ai quitté ma Bretagne natale pour découvrir le monde, espérer grandir et changer.

2. Quelles qualités vous définissent le mieux selon vous ?
♣ Joueur, doux, sensible.

Trop sensible. On me l'as souvent reproché, surtout mon père. Je le voit encore me hurler dessus, m'en coller une et jeter mon exemplaire des fleurs du mal dans la cheminée. Me dire que j'irais jamais bien loin dans la vie si je continuais à m'user les yeux avec de la poésie au lieu de mettre le nez dehors. Me pendre en main, devenir comme lui. Devenir cruel. Être détesté, respecté et craint de tous... C'est pas vraiment un avenir qui me fait très envie. Je suis pas ce genre de type. Je saurais jamais comme ça. Je suis sensible, intelligent, et je préfère lire un livre plutôt que de sortir faire la fête avec d'autres jeunes de mon âge. J'ai pas envie de me bourrer la gueule, de toute manière je préfère l'absinthe à la bière bon marché que l'on trouve dans les fêtes étudiantes. L'absinthe, c'est le troisième œil du poète.

3. Au contraire, dans lesquels de ces défauts vous reconnaissez-vous ?
♥ Émotif, lunatique, gourmand.

Trop émotif. C'est sans doute mon principal défaut. J'ai passé des nuits d'insomnies entières à pleurer sur des livres. Des Romans d'Emile Zola, ou bien des poèmes d'Arthur Rimbaud pour Paul Verlaine... Je crois que rien ne m’émeut plus que des mots bien choisit. Pleurer quand on est un homme, c'est une chose impensable... Et pourtant, malgré cette boule au fond de ma gorge je m'efforce parfois de me contenir, de peut d'être surpris par quelqu'un d'autre, pour ne pas être blessé dans mon stupide égo masculin. Il m'est aussi difficile de résister à des pâtisseries sur une table. Quand à mon humeur, elle est souvent changeante, déconcertant bien souvent les autres...

4. Si vous deviez-choisir un de ces éléments, lequel vous semblerait le plus judicieux ?
♣ L'eau, calme et puissante, source de toute vie.

Quand on me parle de l'eau, je pense tout de suite aux rafales de vents, à la tempête et aux vagues de l'océan atlantique déchaîné s'écrasant sur le flanc de la falaise en contre bas du manoir familial. Les tempêtes m'ont toujours fascinées. J'ai toujours adoré m'asseoir face à la baie vitrée du salon, pour regarder les éléments se déchaîner. Voir les éclairs zébrer le ciel, entendre l’orage gronder et contempler la pluie s'abattant de manière brutale contre les fenêtres. La pluie a fait partie de mon quotidien de nombreuses années, la Bretagne n'étant pas la région la plus ensoleillée de France. Mais après tout, comme on dit chez moi: Il pleut que sur les cons !

5. Qu'est-ce que l'amour à vos yeux ?
♣ L'amour ? Le sentiment sans aucun doute le plus complexe en ce bas monde. Il anime comme détruit un être mais que serait un être humain sans ce dernier ? Rien, il ne serait pas plus différent qu'une machine. Les déceptions font parties de la vie mais quoiqu'il en soit, il faut garder espoir car un jour la roue finira par tourner !

L'Amour avec un grand A. En fait, j'ai du mal à y croire. Mes propres parents n'ont pas de sentiments l'un pour l'autre, et se sont mariés ensemble par simple intérêt, pour faire plaisir à leurs familles. J'espère tomber amoureux un jour, et surtout j'espère que ce jour là mes sentiments seront réciproques. J'ai été déçu trop souvent déjà. Si une fille me plait, à ses yeux je ne suis souvent qu'un bon copain, et rien de plus. Certaines pensent même que je suis homosexuel... Et pourtant, je pense qu'on peut être hétérosexuel et aimer la poésie, l'un n'empêche pas l'autre. Je me souviens encore de cette fille, lors de mes premières années à Beauxbâtons. Je lui avait écrit un poème, glissé dans son livre de sortilèges, espérant qu'elle saurait qu'il venait de moi. Mais cette pauvre cruche a cru que c'était le grand type musclé qui lui tournait autour depuis un moment.... Comment un idiot pareil aurait pu écrire un poème ? Toujours est il que ce Mathieu n'a pas hésité à mentir et à s'approprier mon poème pour la séduire. Je me suis contenté de sourire quand elle est venue se confier à moi. Trop bon trop con, comme on dit souvent...

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♦ Ash Stymest ► Enguerrand De Sade